Laissons les pronostics aller bon train car rares sont, désormais, les Algériens qui voudront s'en remettre à ceux qui pensent encore survivre en louvoyant. Comme s'ils s'étaient réveillés d'un coma profond, ces derniers semblent de plus de plus crûment réaliser qu'ils sont privés d'un bien auquel ils ont eux aussi droit et dont on les a sournoisement dépouillés. Ils ont pendant longtemps eu le triste sentiment d'être tout juste tolérés sur une terre qui leur revient de droit et dont ils se revendiquent avec force. Aujourd'hui, ils le verbalisent avec une liberté de ton jamais égalée. Les voilà qui lancent en chœur : «maintenant, vous allez nous écouter et, si vous refusez de le faire, vous en subirez les conséquences.» Et du coup s'impose à nous le phénomène de la harga, cette tendance intolérable a poussé les jeunes dehors, vers d'autres horizons. Excommuniés, exclus du groupe, de cette autre communauté qui aurait accepté son sort et se serait soumise au diktat d'un groupe d'individus pas plus méritant que la majorité exclue du bien-être. Cela, c'est terminé, nous confiaient des jeunes au sourire éclatant et déterminé. «Depuis qu'on a décidé de prendre en main notre destin, plus aucun d'entre nous n'a embarqué vers l'étranger. L'Algérie est notre pays et c'est ici qu'on a envie de vivre. Celui qui n'est pas content n'a qu'à partir. Eux, ils ont de quoi vivre ailleurs parce qu'ils ont dépouillé le pays, pas nous. Nous, on n'a pas de pays de rechange !» affirmaient-ils en tapant des mains comme pour inscrire définitivement leurs propos dans l'histoire du mouvement extraordinaire et inespéré qui ne montre aucun essoufflement. On vibre, depuis quelques semaines, avec un peuple transformé par la joie qu'il exprime en battant le pavé tout en chantant sa volonté d'aller de l'avant. Elle est belle toute cette jeunesse qui promet de ne pas quitter le terrain jusqu'au changement. Et au changement auquel elle et elle seule rêve ! Ils seront combien à continuer à soutenir le système et à camper avec morgue sur des positions qui contredisent les notions de justice, de progrès et de démocratie ? M. B.
