Dans ce même espace de l'édition d'hier, nous avons tenté d'expliquer comment les décideurs ont créé eux-mêmes des problèmes qu'ils ont ensuite « inspirés » comme… préalables à l'entreprise du «dialogue inclusif» Des préalables qui seront bien évidemment acceptés parce qu'ils ne changent rien à la donne et ne concernent aucunement les questions de fond liées aux revendications portées par le soulèvement populaire depuis plus de cinq mois maintenant. Bien sûr, toutes les questions liées à ces «problèmes-préalables» ne sont pas nées du hirak, peut-être bien qu'on n'en serait pas là s'ils avaient mis autant de temps pour apparaître. Parmi ces questions, il y en a une qui est moins directement liée au développement du mouvement populaire. On ne sait même pas si elle fait partie de ces « mesures d'apaisement » que les gouvernants sont prêts à « concéder » au panel mais ce dernier l'a introduite à chaque fois qu'il a énuméré les «conditions» qu'il a formulées à ses partenaires pour entamer les pourparlers. On l'aura compris, il s'agit de la «libération des médias». Evidemment, on ne décide pas, comme ça, entre la poire et le fromage, que les médias d'Etat sont désormais libres. On ne restitue pas la télé, la radio et les… journaux à leur véritable vocation de service public avec tout ce que cela implique. Comme liberté, comme pluralité des opinions qui s'y expriment et comme moyens de performance professionnelle et technologique. Mais cela implique d'abord et surtout une volonté politique d'y aller. En l'occurrence, le moins qu'on puisse dire est que «ce n'est pas à l'ordre du jour», pour reprendre la formule «tendance» chez les gens du pouvoir. Depuis le 22 février, on a assisté à plusieurs changements de direction au sein des entreprises audiovisuelles. Outre le fait que la tutelle n'a à aucun moment été loin pour ses «remplacements», puisant dans le même personnel dont personne n'attend plus rien, le résultat immédiat n'a pas été brillant. Les nouveaux chefs ont même réussi parfois la gageure de faire pire que leurs prédécesseurs. Mais pour ceux qui les ont nommés, l'essentiel est déjà là : l'ancien ordre protocolaire dans le traitement des événements a été astucieusement adapté à la nouvelle hiérarchie, la contradiction est toujours exclue des plateaux, de larges courants d'opinion n'ont pas la parole, les mêmes têtes reviennent es-qualité pour des débats à sens unique, des «experts» à l'oreillette y vont en service commandé vendre les feuilles de route ou couvrir d'anathèmes ceux qui ne s'y reconnaissent pas et pour l'anecdote caractéristique du «projet», l'un des visages les plus emblèmatiques de la télé aux ordres a eu droit à un hilarant hommage officiel. Comme indices de «libération des médias», il y a vraiment mieux. On peut libérer Lakhdar Bouregaâ et les autres prisonniers, on peut alléger le dispositif répressif autour des manifestations mais pour la télé, on peut même sacrifier Bédoui tant qu'à faire, il est difficile pour autant de partager la béatitude-sincère ou pas- du panel sur la libération des médias. S. L.