On les a tellement tournés en dérision que l'opinion ordinaire a fini par être fixée sur leur incompétence technique et leur « inculture générale ». D'anciens responsables des premières années d'indépendance et des temps moins lointains ne sont connus des Algériens que par leurs bourdes légendaires, dont certaines sont fabriquées de toutes pièces d'ailleurs, allez savoir à quel dessein. Une fois qu'ils ont quitté la vie publique, il y en a parmi eux qui ont révélé qu'ils n'étaient pas si incultes que ça. On a même découvert, un peu tard, il est vrai, que certains avaient des qualifications et des connaissances qui n'étaient pas aussi indigentes qu'on le prétendait. Non pas qu'ils soient des lumières dans leur domaine… d'affectation ou des penseurs particulièrement éclairés. On a seulement comparé la différence, souvent béante, qui les sépare de leurs… successeurs. C'est sans doute de là qu'est née la théorie du moins mauvais » ou du… « moins pire». Les Algériens ont fini par s'accommoder des piètres consolations mais depuis deux décennies au moins, ils n'ont même plus ça. Ce n'est pas parce qu'il y a une quelconque amélioration dans l'accès des compétences aux responsabilités et dans la récompense de l'effort méritoire mais parce que le nivellement par le bas est venu même à bout des petites nuances qu'on décelait dans la succession des personnels du système aux affaires de l'Etat. Ceci a, en partie, suscité et encouragé d'incroyables vocations et d'inouïes ambitions. Il n'y a plus de… retenue depuis longtemps et ça passe comme une lettre à la poste. Quand on se payait la tête de Sellal pour ses bourdes linguistiques monumentales, on ne savait pas que le « meilleur » était à venir. Alors, le Premier ministre qu'il était avait confondu la loi électorale et la loi sur les partis ! Quand un comédien-pitre devenu député puis ministre a été surpris par un journaliste qui lui demandait ce qu'est une balance commerciale, il a cru tenir une réplique géniale en répondant : «Je ne suis pas Google » ! Quand Hasbellaoui, ministre de la Santé, réagissait à la mort d'une prof de médecine piquée par un scorpion en disant que le scorpion était… « un animal domestique, contre lequel on ne peut rien», personne ne s'en est offusqué outre mesure, les choses étant ce qu'elles sont. Quand Mademoiselle Merdaci, ministre de la Culture, jurait par Dieu et ses saints, à la manière d'une vieille mégère, que le gouvernement auquel elle appartient n'était pas rejeté par le peuple, on s'est dit qu'on n'en attendait pas autre chose. Et en voyant l'armée d'hurluberlus qui se bousculent à la candidature pour l'élection présidentielle, personne n'est surpris que la majorité d'entre eux ne sache pas faire une phrase. Les autres, ils vont nous régaler plus tard avec leurs programmes et leurs discours. Mais ils ont déjà commencé, en nous expliquant pourquoi ils sont candidats et comment toutes les conditions d'une élection régulière sont réunies, sans que les Algériens le sachent. S. L.