Parmi les films sélectionnés cette année au Festival international du cinéma d'Alger, Karma du réalisateur égyptien Khaled Youcef devrait être distribué prochainement dans le réseau de salles de l'Onci. Le cinéaste égyptien part d'une idée assez usitée dans le cinéma, notamment américain, où le thriller psychologique se mêle au propos sociopolitique. Adham, un riche homme d'affaire musulman, est à la tête d'un empire économique bâti à coups d'ambition, d'intelligence et de projets audacieux. Malgré l'opulence et les succès, le potentat traîne une mélancolie et une anxiété dues en partie à ces étranges rêves récurrents où il voit une espèce d'alter-égo prénommé Watani, un père de famille copte et démuni, vivant dans un quartier en ruine dans le Caire populaire. Le sommeil devient alors une épreuve et une projection douloureuse dans le quotidien de cette classe qu'Adham n'a cessé de mépriser. De son côté, Watani fait également des rêves « en direct » sur la vie d'Adham. Surchargé en discours direct et en moralisation, ce long-métrage qui met en vedette Amrou Saâd et Khaled Saoui pèche par une espèce de paresse généralisée tant au niveau de la dramaturgie que de la mise en scène. Rappelant à s'y méprendre les travers de l'audiovisuel égyptien qui avait inondé les petits écrans en Algérie de sermons infantilisants, Karma multiplie les formules toutes faites et la bien-pensance qui n'offrent aucune bouche de respiration à un récit potentiellement intéressant. Quant au propos politique, cet échange virtuel de vies entre le misérable et l'oligarque débouchera sur une caricature parfois insoutenable des classes défavorisées. Watani est en effet dépeint comme un oisif paresseux qui passe ses journées à glander dans le quartier et ses nuits à creuser éternellement un trou dans une mosquée abandonnée à la recherche d'un supposé trésor. Pendant ce temps, sa femme Madina et sa fille Karma crient famine alors que sa mère, alitée, n'a pas les moyens de se soigner. Cette dernière n'a d'ailleurs d'autres conseils à donner à son fils que celui l'exhortant à mieux satisfaire son épouse sexuellement. Ainsi, sont donc rassemblés une hallucinante quantité de clichés entretenus aussi bien par les classes supérieures que par le pouvoir politique autour de la figure du pauvre : fainéant, hyperactif sexuellement, déficient intellectuellement, etc. A l'inverse, Adham brille par une intelligence rare et une créativité sans bornes, à telle enseigne que lorsqu'il se retrouvera véritablement à la place de Watani, il lui suffira de quelques jours et de quelques idées inspirées pour sortir le quartier tout entier de la misère ! Khaled Youcef s'ingénie ainsi dans Karma à combiner entre le film spectaculaire (scènes de combat, courses-poursuites, bling-bling, etc.) et le prêt-à-penser néolibéral et étatique tout en essayant d'atténuer la condescendance de son propos avec un prêche assez ronflant sur le dialogue des religions et l'humanisme confortable ! S. H.