La moudjahida Yamina Cherrad Bennacer était l'invitée du deuxième numéro de Minbar el Maktaba, à la fin de la semaine dernière, pour apporter son témoignage sur la guerre de Libération nationale dans la wilaya 2, dans le Nord-Constantinois dont Jijel faisait partie et parler de son ouvrage Six ans au maquis paru aux édition Kalima et préfacé par Lamine Khène. Organisé par la bibliothèque principale de lecture publique, ce rendez-vous culturel mensuel se veut un cadre de débat et d'échange entre les acteurs culturels, a affirmé son initiateur, le directeur de la bibliothèque principale de lecture publique Fetouci Mahfoud. Lors de cette conférence débat, Yamina Cherrad Bennacer est revenue sur son parcours dans le maquis jijelien, hanté par l'ombre et les récits de ceux et celles qui ont immortalisé leur passage durant l'épopée de la guerre de Libération nationale, face à la puissante armée française. Elle disait : «Elles étaient belles, ces années de lutte pour un idéal, l'indépendance de l'Algérie et la liberté de tous les Algériens. Années chargées pourtant de frayeur... parfois de prières, souvent de rêves et d' espoir, toujours. Il nous fallait vaincre la peur en ces temps-là, retrouver les forces de mener le combat de chaque instant. Qu'iIs étaient beaux, les jours où, lorsque pointait une aube nouvelle, je me disais : «C'est une nouvelle journée et je suis vivante. Cette pensée me rappelait mes devoirs et m'aidait à affronter le danger et les difficultés, à surmonter les sacrifices et la peine». Tirant profit de sa virée jijelienne, la premier infirmière dans le maquis du Nord-Constantinois a rendu un vibrant hommage aux femmes rurales qui affrontaient quotidiennement le danger, qui subissaient la peur, la faim et qui, malgré leurs dures conditions de vie, se sont montrées si accueillantes, si généreuses à aider les moudjahidine et à les protéger en leur apportant nourriture et hébergement. En effet, l'ancienne responsable de l'hôpital de l'Armée de libération nationale se trouvant dans les monts de Boudaoud, relevant de la commune d'Ouled Asker, a apporté son précieux témoignage dans une ambiance conviviale. Elle a ajouté qu'après plus de 50 ans après l'indépendance, «le passé me poursuit toujours». «J'ai pris des notes et enregistré des histoires sur des événements que j'ai vécus au maquis en compagnie de mes frères et sœurs», a souligné la camarade de classe de la martyre Malika Gaïd, « Ces histoires m'ont incitée à écrire mes mémoires au maquis jijelien de Boudaoud, à Ouled Asker, en passant par les monts de Béni Aâfer, finissant à Texenna», a-t-elle précisé. «J'ai vu le jour à Sétif au sein d'une famille nationaliste. C'est ma sœur aînée instruite qui m'a initiée au nationalisme, en lisant le journal de l'association des Oulémas », a poursuivi l'oratrice qui revenait sur les tragiques événements du 8 Mai 1945. «Le 8 Mai m'a marquée», a-t-elle insisté «En tant que fille, j'ai vu la cruauté du colonialisme. Les cousins maternels ont été arrêtés et torturés dans la caserne mitoyenne à notre maison», a souligné l'auteure, émue. «Après avoir décroché le certificat d'études, j'ai réussi au concours de l'Ecole des infirmières qui était ouverte par Dr Smati dans ma ville en 1949 où j'ai passé deux ans en compagnie de Malika Gaïd , Louisa Attouche, et Bahbar Messaouda.» Diplôme en poche, la fille de Bel Air a été affectée respectivement aux hôpitaux de Bougaâ et Sétif en1954 dans le service de chirurgie pour femmes. «Avec le déclenchement de la guerre de Libération nationale, j'ai commencé à comprendre ce qui se passait et la réalité coloniale et ses pratiques racistes, le parti -pris des médecins et infirmiers français à l'égard des blessés algériens par rapport aux militaires français.» «Un jour, en rentrant chez moi, un militaire qui était en faction à la caserne mitoyenne à notre maison m'a tiré dessus. Heureusement, j'ai eu la vie sauve», poursuit l'oratrice ajoutant : «C'est à partir de cet incident que j'ai décidé de contacter le responsable du nidham à Sétif, en l'occurrence Dr Bousdira, dentiste de son état, qui m'a facilité le contact avec El Djebha (Le FLN). Quelques jours plus tard, j'ai été ramenée par un groupe de moudjahdine au maquis de Babor où j'étais la première fille moudjahida. C'était en novembre 1956 », a indiqué Mme Cherrad qui a révélé en outre que fin 1957, les responsables de la Wilaya II historique du Nord-Constantinois ont construit le premier hôpital de l'Armée de libération nationale dans les monts de Boudaoud, où elle a été affectée pour la prise en charge des djounoud blessés. Cependant, avec le plan Challe en 1958, l'invitée du Minbar el Maktaba dira que la situation devenait de plus en plus difficile, en raison du déploiement d'une impressionnante force française en vue d'étouffer la Wilaya II. On n'avait plus un hôpital fixe, on dissimulait les blessés dans des casemates et des merkez, notamment dans les monts de Béni Aâfer, Bouhenche, Herma, et Agla dans la région de Texenna. Poursuivant son témoignage, la camarade de classe de Malika Gaïd a rendu un vibrant hommage « à la femme rurale chez laquelle on trouvait refuge. Elle nous assurait nourriture, hébergement et sécurité », a souligné l'auteure. Poursuivant son récit, elle n'a pas tari d'éloges à l'égard de Fatima, veuve et mère de deux enfants qui a refusé de regagner les camps de concentration, en restant dans les monts de Texenna avec son beau-père, pour apporter aide et assistance aux moujahidine. Le public présent lors de cette conférence débat a posé des questions concernant certains événements qui se sont déroulés dans ces régions. Pour elle, son ouvrage Six ans au maquis se veut un acte pour immortaliser cette période cruciale de notre histoire et une manière pour combattre la culture de l'oubli chez notre jeunesse, à qui elle a rendu un vibrant hommage pour cette récente prise de conscience vis-à-vis de son histoire. B. M. C.