Le film-documentaire Résistantes de Fatima Sissani devait être projeté samedi lors d'une séance-débat à Sainte-Livrade dans le Sud-Ouest français. Une impressionnante mobilisation suivie de menaces de l'extrême-droite et de plusieurs anciens harkis a contraint les organisateurs à annuler la projection. Prévue au cinéma indépendant «Utopia», la projection du dernier documentaire de Fatima Sissani Résistantes a dû être annulée à la dernière minute suite à la controverse suivie de menaces proférées par des membres du Rassemblement national ainsi que d'anciens harkis. Revenant sur l'histoire de la guerre d'indépendance à travers les portraits de trois résistantes algériennes (Yvelines Lavalette, Zoulikha Bekaddour et Alice Cherki), Fatima Sissani devait présenter ce film dans le cadre des AOC de l'égalité, une manifestation associative pour la promotion de l'égalité et de la solidarité. C'était sans compter avec une polémique déclenchée dès l'annonce de la projection par une partie de la communauté harki, laquelle a même sous-entendu des menaces à l'encontre des organisateurs. Dans une déclaration à la presse locale, le responsable de l'association «Les Harkis et leurs amis» dénonce le film sans l'avoir vu en arguant qu'aucun harki n'a le droit d'aller exposer son point de vue en Algérie. Qualifiant les trois militantes en question de «terroristes», il promettait de «faire du chahut» lors de la projection et menaçait même de «brûler quelques drapeaux algériens», voire «brûler la salle de cinéma» si le film contenait des insultes envers les harkis. Dans une déclaration sur les réseaux sociaux, Fatima Sissani explique que l'instigateur de la controverse étant membre du parti d'extrême-droite RN, ce dernier promettait également de s'impliquer dans la mobilisation à laquelle se serait également jointe la communauté pied-noir. Devant les menaces prises très au sérieux par les organisateurs et les autorités, on a donc proposé à la réalisatrice une protection policière qu'elle a refusée : «Cette même police qui éborgne à tour de bras. Impossible, la police ne sera jamais une alliée. J'ai donc décidé de ne pas y aller. A son tour, le directeur du cinéma qui souhaitait tout de même maintenir la projection a dû finalement y renoncer en raison des menaces que ces extrémistes ont continué à faire peser sur le cinéma. In fine, le cinéma lui-même a fermé ses portes aujourd'hui», écrit-elle. Et d'ajouter : «La projection du film devait être précédée d'une visite du camp de Bias, du Cafi et de Sainte-Livrade où les Harkis avaient été parqués, pour les remercier de leurs bons et loyaux services. Merci la France ! Les racistes qui peuplent cette joyeuse contrée, dont je ne crois pas qu'ils aient soutenu les harkis quand ils croupissaient dans ces camps, ont alors décidé d'attendre cette visite avec des fusils : ‘'Le FLN ne viendra pas sur nos terres''. Visites annulées. Je suis en colère et stupéfaite de voir les harkis se laisser manipuler par le Rassemblement national qui ne nourrit pourtant à leur égard que du mépris. Mais la haine de l'Arabe est transcendantale. Stupéfaite par la capacité de nuisance de ces gens, dont certains sont organisés en parti politique, qui font de l'ignorance, la haine et la violence leur porte-drapeau en toute légalité». Contactée par le Soir d'Algérie, la réalisatrice considère néanmoins cette annulation comme une défaite : «J'avoue que je n'en reviens toujours pas qu'en novembre 2019, on puisse empêcher la projection d'un film sur la guerre d'Algérie.Ça dit bien que la mémoire de la guerre d'Algérie est toujours agissante, ressurgissant régulièrement dans le débat public. Il manque une position claire de l'Etat français condamnant sans ambiguïté le crime colonial et l'entrée dans la guerre d'Algérie.» Par ailleurs, un communiqué signé par de nombreuses associations et organisations politiques françaises sera prochainement rendu public pour dénoncer cette censure brutale et demander des poursuites concernant les menaces. S. H.