La Libye est enlisée dans une situation extrêmement dangereuse. Le territoire est désormais en proie à des forces du mal incontrôlables, qui mettent la communauté internationale face à un défi devenu presque impossible. Abla Chérif - Alger (Le Soir) - Des éléments terribles confirmant le chaos dans lequel est plongé ce pays ont été révélés ce jeudi à Brazzaville par Ghassan Salamé, représentant spécial et chef de la Mission d'appui des Nations-Unies pour la Libye. Le Congo abritait à cette occasion le 8e Sommet du Comité de haut niveau de l'Union africaine (UA) sur la Libye. «La situation n'est pas bonne, elle se dégrade de jour en jour», déclare-t-il avant de livrer les incroyables informations en sa possession. Selon ses propos, le territoire est actuellement le point de convergence de nombreux éléments armés ayant opéré dans d'autres pays laissés à feu à et sang. Dans le langage actuellement usité à l'échelle internationale, ils sont désignés par la terminologie «combattants étrangers». Ces terroristes proviennent essentiellement du Moyen-Orient, d'Irak et de Syrie, des pays qu'ils ont fuis après la défaite de l'organisation criminelle à laquelle ils appartenaient, et qu'ils rêvent depuis de faire renaître au Sahel. Le point de départ de cette renaissance serait à leurs yeux la Libye. Leur arrivée en territoire libyen constitue l'un des éléments principaux ayant permis la résurgence de la violence. Ghassan Salamé évoque, ainsi, «l'arrivée massive en Libye de combattants non libyens dotés de statuts juridiques différents, dont la présence accroît en fait les tensions et les possibilités de combat dans ce pays en crise. Ces combattants travaillent notamment pour des entreprises privées de sécurité. Ce sont aussi des experts gouvernementaux travaillant pour l'un ou l'autre camp, des mercenaires qu'on a vus sur d'autres théâtres de combat, ainsi que des combattants idéologiques qui viennent défendre leurs intérêts». Le représentant spécial pour les Nations-Unies, chargé du dossier libyen, livre ensuite un second élément tout aussi troublant : il signale « l'arrivée d'importantes quantités d'équipements militaires dans ce pays», ce qui explique, selon lui, la recrudescence des combats et «un net crescendo dans la qualité des instruments militaires utilisés, dont des drones qui ont été massivement utilisés». Le fait a d'ailleurs poussé l'armée régulière libyenne à se doter d'une défense antiaérienne, équipée de missiles américains et de drones, dans pas moins de six aéroports. Troisième élément : « Les interventions étrangères directes en Libye, où des dizaines de cargos et d'avions atterrissent dans des bases pour soutenir les forces de Khalifa Haftar, et des navires et corvettes qui sont en rade à Mesrata et Tripoli.» « Toutes ces nouvelles ne sont pas bonnes, ajoute Ghassan Salamé car elles indiquent que le conflit libyen est devenu un élément d'ingérence extérieur.» «Au cours de ces derniers mois, ajoute-t-il, nous avons remarqué une nette extension géographique des combats, ce qui a conduit à une situation humanitaire des plus préoccupantes. Selon lui, plus de «173 000 Libyens, peut-être le triple, ont quitté leurs maisons pour se réfugier dans des pays limitrophes comme en Tunisie». Les vérités de Ghassan Salamé suffisent ce jour-là à confirmer ce que tous savent déjà depuis un moment : le territoire libyen est désormais en proie aux forces du mal. Celles de l'argent sale, véhiculé par des bandes de trafiquants en tous genres (trafic humain, de drogue, d'armes…), socle même sur lequel se développent les groupes armés dont la présence et l'action rendent possibles d'autres trafics «politiques», opérés par des Etats arabes dont le nom reste étroitement rattaché à toutes les entreprises visant à faire capoter les tentatives de normalisation entreprises par les Nations-Unies, l'Union africaine et de nombreux pays de la communauté internationale. Si le Qatar a été à plusieurs reprises nommément cité dans ce cadre, d'autres Etats ne sont pas en reste. L'Italie, pays très impliqué dans la résolution de la crise, a été salie maintes fois par des médias (italiens) qui ont accusé l'ancien gouvernement de financer des factions armées libyennes, afin que ces dernières stoppent le flux migratoire vers son territoire. La présence de la France au Sahel, dont le rôle aurait en principe dû contribuer à stabiliser le phénomène du terrorisme et du trafic, dont se nourrissent énormément les bandes libyennes, devient dans ces conditions très trouble et soulève de sérieuses interrogations que ne peut en aucun cas dissimuler l'agitation diplomatique des dirigeants français. Le jeu tout aussi confus de certaines puissances internationales en faveur de l'une ou de l'autre partie libyenne en conflit n'est pas en reste. La Libye brûle et fait encourir des risques extrêmement sérieux aux pays qui l'entourent. L'échec du dernier accord passé à Berlin est la preuve concrète, une de plus, de l'existence de contre-forces obéissant à des desseins inavoués, risquant, à long terme, de «fragmenter» non seulement la Libye, et partant de là le Sahel, mais d'étendre le danger bien au-delà des frontières de feu. Dans ce schéma diabolique, l'Algérie tente de résister de toutes ses forces à tout éventuel débordement. Sur le terrain, cela se traduit, depuis de longues années, par une mobilisation très importante d'effectifs militaires sur les bandes frontalières concernées. Ce travail est complété par une coordination «très efficace avec le voisin tunisien», confient au passage des sources très informées au sujet de ce dossier. «Avec les Tunisiens, cela a toujours marché en matière de coopération sécuritaire, les échanges sont intenses et permettent de faire face au danger actuel», nous dit-on. Les efforts diplomatiques sont tout aussi intenses. Ce jeudi à Brazzaville, le Premier ministre, Abdelaziz Djerad, a réitéré la disponibilité de l'Algérie à «rapprocher les positions des parties belligérantes en Libye et abriter toute réunion inter-libyenne visant à contribuer à trouver une solution à la crise et jeter les bases d'un nouvel Etat stable». Le Premier ministre, accompagné du ministre des Affaires étrangères, a également mis l'accent sur la «neutralité de l'Algérie» et sa disposition à œuvrer pour aboutir rapidement à une solution pacifique. A. C.