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L'art assiégé par la bigoterie
Publié dans Le Soir d'Algérie le 02 - 03 - 2020

En cherchant des nouvelles de Rachid Boudjedra, quelque peu disparu des radars, je suis tombé sur cette information qui m'avait échappée à son époque : l'écrivain a retiré sa plainte contre la chaîne Al-Nahar. L'information date du 12 juin 2018, et on y apprend que Boudjedra a décidé de retirer la plainte qu'il avait déposée contre Al-Nahar, en contrepartie d'un «arrangement à l'amiable », précise D.I.A.(1) Rappel des faits : le 31 mai 2017, Rachid Boudjedra est invité sur le plateau de la chaîne de télévision Al-Nahar, où il est victime d'une humiliante mise en scène pour une caméra cachée, au nom évocateur. « Rana Hkamnak », comme s'intitulait ce pseudo-divertissement, s'est avéré être un vrai traquenard(2) pour Boudjedra, pris à partie par des pseudo-policiers qui l'ont forcé à renoncer à son athéisme proclamé. Non contents de lui faire réciter la profession de foi, les faux policiers l'assaillent sous diverses accusations, dont celle très redoutée d'espionnage, et font si bien que Boudjedra s'emporte et réagit violemment. Sous le coup de l'indignation, le monde de la culture et des médias, se mobilise et organise un rassemblement en choisissant un lieu symbolique, le siège de l'ARAV (Autorité de régulation de l'audiovisuel). C'est là que les participants ont eu la surprise de voir surgir Saïd, le frère du Président en personne, qui, bravant les quolibets et les injures, est venu réconforter Boudjedra et étrenner un nouveau mot : ignominie.
Il semble bien qu'en qualifiant d'ignominieux le comportement de la télé Al-Nahar, Saïd a fait d'une pierre deux coups : il a enrichi le vocabulaire de certains confrères et il s'est assuré, à moindre coût, l'amitié de notre écrivain. Grâce à ce retour d'affection, ponctué de chaleureuses déclarations, nous avons appris ensuite que Saïd Bouteflika était un homme de gauche, ce qui prouve que nul n'est à l'abri du vice et de l'ignominie. Il faut sans doute rappeler que les deux mésaventures survenues en moins d'un an à Rachid Boudjedra sur un plateau de télévision ont eu lieu pendant le Ramadhan. C'est le mois, par excellence, durant lequel croyants et mécréants se ressemblent le plus, où Dieu est partout, sans que la divine providence soit nulle part. On ne sait pas si la mise en scène odieuse(3) imposée à un écrivain de renom comme Boudjedra a suscité d'autres vocations, mais il semble que la feinte dévotion soit de règle désormais, et sur toute l'année. Certaines chaînes offshores semblent suivre à la trace les stations satellitaires égyptiennes, notamment en diffusant des exercices d'autoflagellation de vedettes du cinéma et de la chanson. C'est l'exemple que relate le journaliste et écrivain Rachid Khatibi, dans l'article publié vendredi dernier par le quotidien londonien Al-Quds, sous ce titre très
édifiant : « Algérie, l'art sous le blocus.» L'auteur y relate un de ces spectacles de repentance publique auxquels se livrent certains artistes algériens sur les plateaux de télévision.
Rachid Khatibi ne cite ni le nom de l'artiste ni celui de la chaîne satellitaire, et nous n'en dirons pas plus que lui : il s'agit d'une chanteuse de raï très célèbre qui s'est laissée convaincre de paraître à la télévision. Quoique réticente à ce genre d'apparition, la chanteuse a accepté de parler de son métier, de sa famille, de ses amis, elle a répondu de bonne grâce aux questions des téléspectateurs, pour satisfaire leur curiosité. Seulement la chaîne qui la recevait l'a poussée à parler de ses convictions religieuses, à faire part de son rejet de sa carrière actuelle, et de sa volonté de renoncer à la chanson dans un avenir proche.
La chanteuse s'est ainsi retrouvée assiégée, et contrainte d'abjurer la vie nocturne, les soirées dans les cabarets, d'affirmer sa repentance et ses regrets pour avoir dansé et utilisé le microphone. Elle s'est aussi excusée pour ses chansons et s'est engagée dans un cycle de réponses susceptibles de satisfaire les demandes, transformant ainsi un dialogue sur l'art en un débat sur la religion et ses préceptes. « Je pensais, note Rachid Khatibi, que les années d'anathèmes contre les chanteurs pour les forcer à renoncer à leur art étaient révolues, mais force est de constater qu'elles se sont seulement estompées. Elles se sont juste éclipsées pour réapparaître sous un nouvel habit plus brillant, et les chaînes satellitaires tendent, dans leur ensemble, à se transformer en centres de diffusion des fatwas (...) Ce qui s'est passé avec cette chanteuse de raï n'est pas un cas isolé ni un faux pas commis par inadvertance.
Le procédé tendant à contraindre autrui à faire état de sa relation à la religion et à la piété a pris de l'ampleur en Algérie, on le rencontre à l'école, dans la rue, à l'université, et dans les lieux publics. La religion est devenue le sujet d'échange favori entre les gens, et sans laisser de place aux divergences (…) L'Algérie a vécu des années de souffrances, en escomptant vivre l'ouverture et la libération au bout, mais ce sont les puritains qui ont gagné jusqu'ici, et ce sont les nouveaux conservateurs ou bigots qui tiennent le haut du pavé. Car, tout le monde est tenu de prouver son appartenance à la foi, ne serait-ce que pour éviter les malentendus et aussi pour se prémunir contre les violences verbales et physiques parfois ». Après un tableau aussi sombre, on comprend mieux pourquoi des partis islamistes qui ont gravité autour de la planète Bouteflika, sans jamais dévier de leur trajectoire, continuent de donner encore de la voix.
A. H.
(1) Dernières Infos d'Algérie (D.I.A). Je ne sais si le mot contrepartie utilisé ici est là par hasard ou s'il est utilisé à dessein pour suggérer une éventuelle compensation financière susceptible de laver l'affront fait à Boudjedra.
(2) Notre écrivain aurait dû être échaudé par une autre mésaventure qui lui était arrivée sur le plateau d'une chaîne similaire, Echourouk en l'occurrence, moins d'une année avant l'humiliant épisode de la caméra cachée. L'animatrice l'avait poussé à proclamer publiquement qu'il était athée, et c'est sans doute ce qui a inspiré les organisateurs de la sinistre comédie d'Al-Nahar.
(3) Je préfère odieuse à ignominieuse, parce que le mot de Saïd est plus compliqué à orthographier et puis, dans la situation où il nous a mis et dans celle où il s'est retrouvé, je ne tiens pas à lui emprunter davantage.


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