Rabah Hamadache est l'un des plus brillants et expérimentés entraîneurs de boxe algériens. Il est le seul à avoir conduit l'EN au cours de quatre Olympiades et actuellement, il transmet son savoir et son expérience, au niveau de l'ISTS et du lycée sportif de Draria. Coup de projecteur sur un grand entraîneur. Vous avez participé à quatre Olympiades comme entraîneur national... J'ai dirigé l'EN de boxe au cours de quatre éditions des Jeux olympiques, en l'occurrence celle de 1996 à Atlanta, puis celle de 2000 à Sidney, ensuite en 2004 à Athènes et enfin en 2016 à Rio de Janeiro. Et avec un palmarès plutôt flatteur... En 1996, l'Algérie a remporté sa première et unique médaille d'or grâce à Hocine Soltani «Allah Yerahmou», puis en 2000 c'est Allalou qui a honoré le pays avec une médaille de bronze à Sidney puis en 2000 , c'est Allalou également qui a honoré le pays avec une médaille de bronze, et depuis plus rien. Et depuis, vous transmettez votre savoir et votre expérience au niveau de l'ISTS et du lycée sportif de Draria... Oui tout à fait. Actuellement ,j'enseigne la spécialité boxe à l'ISTS et à Draria. Au niveau de l'institut, on forme de futurs cadres alors qu'au lycée sportif, ce sont de jeunes talents qui allient études et pratique sportive. Ces jeunes talents sont-ils prometteurs ? Oui, et nous travaillons en ce sens. J'ai 12 garçons et nous encourageons également la boxe féminine puisque je compte parmi mon groupe d'élèves pas moins de 10 filles. Justement, pour les prochains JO à Tokyo, l'Algérie possède 7 pugilistes qualifiés dont deux filles, mais les Jeux ont été reportés à 2021. C'est positif ou pas ? Ce report a été imposé par une pandémie. Certes, les athlètes se sont bien préparés et le Japon a mis le paquet pour que ces Jeux soient une grande réussite. Hélas,ce virus a complètement bouleversé le monde. Bon, il reste le tournoi de Paris qui a été reporté lui aussi, mais ce sont des décisions pour des raisons sanitaires et il faut bien les respecter. L'actuel coach national estime que l'Algérie a de grandes chances de gagner une médaille en boxe, lors des prochains JO. Partagez-vous son avis ? Quand les boxeurs atteignent les quarts de finale, ils sont confrontés à la pression des médailles. A ce moment-là, le travail psychologique est très important. Flissi a, par exemple, atteint par deux fois les quarts et Benchebla par trois fois, et ce dernier va participer à sa 4e Olympiade. Par conséquent, il a de fortes chances dans sa catégorie, celle des lourds. Moi,je le vois capable de remporter une médaille. Je pense que Flissi, qui est très expérimenté, peut également prétendre à une place sur le podium. Maintenant, je ne sais pas ce qui va exactement se passer là-bas. Est-il vrai qu'il faut au moins 4 ans pour former un boxeur ? Pour un combat,oui mais pour former un champion, il faut plus de temps, car il faut acquérir une grande expérience. Il faut maîtriser le ring et l'adversaire, les faiblesses et les forces de l'opposant. C'est tout un monde et un long processus. Est-ce que, comme en football par exemple, le travail avec la vidéo est très important ? Oui, bien sûr, car il faut bien connaître l'adversaire en étudiant ses points forts et ses points faibles pour pouvoir le surclasser. Depuis les JO 2000, où vous aviez ramené une médaille grâce à Allalou, l'Algérie n'a rien gagné. Comment l'expliquez-vous ? C'est le syndrome des quarts de finale et la pression des médailles que je vous ai évoqués. Je peux vous citer l'exemple de Benbaâziz, lors des JO de 2016 à Rio qui avait battu le Russe champion d'Europe et qui a échoué bêtement en quarts de finale. Et quand après ce combat perdu, on lui a demandé ce qu'il avait, il nous a répondu qu'il avait été tétanisé par l'enjeu et qu'il n'arrivait plus à retrouver tous ses moyens sur le ring. Brahim Bejaoui, l'ex-entraîneur national, estime qu'on a détruit la boxe en Algérie ? Qu'en pensez-vous ? Je n'ai pas à commenter son opinion et lui, il dirige la sélection militaire ; mais j'aimerais vous dire que les salles de boxe ferment les unes après les autres à cause du manque de moyens. Il faudrait une juste répartition des moyens. J'ajoute qu'il n'y a pas que le foot en Algérie. J'estime que l'EN de boxe est tout aussi représentative que celle de football et quand un boxeur arrive en sélection, il doit être pris en charge totalement En outre, actuellement ,en matière de boxe, il n'y a plus que le MCA, l'armée et la police. Et encore, quand vous ramenez un pugiliste et que vous le payez à 25 000 DA par mois alors qu'un footballeur junior touche 50 000 DA, je ne crois pas qu'il acceptera. Faut-il professionnaliser la boxe en Algérie ? Non,je ne pense pas et pour cause, il n'y a pas de sponsors. Nous avions tenté une expérience entre 2013 et 2015 avec les World'series boxing.On avait ramené des boxeurs américains et russes et puis cela s'est arrêté suite à une décision du ministère arguant qu'il n'y avait plus de moyens pour accueillir ces combats. Cela s'est passé avant les JO de 2016 et a donc limité la préparation à ces jeux. Quel est le meilleur boxeur que vous avez dirigé ? Je ne peux pas en citer un seul car cela fait 40 ans que je suis dans le domaine et j'ai eu plusieurs générations sous ma coupe. Il y a eu celle des Kouchène, puis celle des Allallou et Soltani et celle des Flissi et Benchebla et ce que j'ai remarqué chez tous ces boxeurs, c'est leur gentillesse et leur élégance et ils ont compris qu'il fallait une qualité essentielle, le sérieux ainsi que le goût du sacrifice. Pourriez-vous revenir à la tête de l'EN ? Je pourrais aider ou conseiller. Ailleurs, on retrouve des anciens boxeurs ou entraîneurs en qualité de consultants ou conseillers d'une fédération, mais chez nous cela ne se passe pas ainsi. On ne respecte pas l'expérience malheureusement. Vous avez été boxeur avant de devenir entraîneur ? Oui et j'ai même remporté le titre de champion d'Algérie. Mohamed Ali a commencé la boxe à 12 ans parce qu'on lui avait volé son vélo et vous pourquoi avez-vous opté pour le noble art ? Moi, on ne m'a rien volé, mais c'est Loucif Hamani qui m'a incité à faire de la boxe quand il a participé aux Jeux maghrébins de 1969 à Alger et j'ai intégré le club de l'USHA qui représentait les hôpitaux d'Alger. Propos recueillis par Hassan Boukacem