Ceux qui n'en ratent pas une pour faire dans la (souvent mauvaise) dérision y vont franchement, comme à leur habitude. L'approximation et la «globalisation» faciles étant pour eux l'argument majeur, ils disent encore que tous les Algériens rêvent d'aller s'installer sous un autre pan du ciel et les voilà, paradoxalement et incompréhensiblement qui se plaignent de ne pas pouvoir revenir au pays alors qu'ils sont dans les pays de leurs fantasmes. On peut rire de tout, à condition que... ça fasse rire. Parce que dans la vraie vie, le fait est que c'est une réelle inquiétude, quand ce n'est pas un drame pour certains. Bien sûr, il y a parfois une part de rêve dans ces départs qui tournent au cauchemar. Comme cette vieille qui n'a pas vu son fils depuis son installation au Canada depuis plus de 20 ans. Pour des raisons personnelles, il n'est jamais revenu et ses promesses de vacances au bled ont été autant de rendez-vous contrariés, autant de désillusions douloureuses pour ses parents qui ont fini par désespérer : pour voir leur fils, il fallait qu'ils aillent le chercher là où il a décidé de faire sa vie. Ça fait des années que le bonhomme invite sa mère et son père. Il mène une vie confortable, il a une grande maison avec jardin et piscine et il était prêt à fournir jusqu'aux billets d'avion. Sa mère a fini par y aller toute seule, son père étant resté jusqu'au bout dans ses entêtements de vieil algérois : c'est au fiston de (re) venir vers ses parents, pas l'inverse. La brave vieille femme est coincée à Montréal depuis l'été dernier. Trois jeunes sont partis d'un village kabyle comme partent tous les autres d'égale infortune. Ils sont partis tenter leur chance, rencontrer leur destin. Autant dire tenter le diable dans les conditions où ils ont entrepris l'aventure. Un séjour en Turquie payé avec une agence de voyage, un visa obtenu dans les mêmes circonstances et une intention qui n'a pas besoin de dessin pour être comprise. «Partir et rester». Pas en Turquie qui n'est pas vraiment une terre d'accueil qui fait rêver les jeunes Algériens en panne de perspective. Ils ont embarqué vers Istanbul parce qu'il faut bien atterrir là où on peut atterrir, avant d'envisager une contrée plus généreuse. Ils sont coincés en Turquie depuis. Sans argent, sans aide sans espoir, exposés à tous les périls, ils vivotent en lorgnant un avion qui les ramène- on dit rapatrie maintenant- vers le pays. N'allez surtout pas leur dire qu'ils ont de la... chance avec le Covid-19 qui leur offre un sursis. Ils veulent rentrer et ils sont les derniers à rire à leurs conditions. Ils sont des milliers d'Algériens dans la même situation, aux quatre coins du monde. Ils sont d'autant plus inquiets qu'ils se sentent abandonnés à leur sort, que leur pays ne fait pas tout pour mettre fin à leur calvaire. S. L.