Nous le savons, maintenant. En évitant la viande ovine, nous réduisons notre taux de cholestérol et en réduisant le cholestérol, nous atténuons les risques de choper le... Covid-19. Les avantages de renoncer au mouton de l'Aïd sont multiples. Il y en a qu'on connaissait déjà, d'autres sont arrivés dans la diligence de la pandémie planétaire. Ceux qu'on connaît déjà sont scientifiquement établis, financièrement... avantageux et moralement reposants. Le cholestérol est mauvais pour la santé et la viande de mouton en est une réserve inépuisable. Le problème est que nos compatriotes adorent ça, on ne va pas refaire leurs goûts culinaires, même s'il y a aussi bon et moins périlleux pour leur santé. Ils adorent ça parce qu'ils sont convaincus que c'est succulent et aussi parce que c'est... cher. Allez leur expliquer que le plus coûteux n'est pas forcément le meilleur. Sur ce genre de questions, ils ne sont pas particulièrement sensibles à l'argument rationnel mais quand ils en tiennent un qui les arrange, ils s'y accrochent comme des sangsues : le cholestérol est une question d'accumulation et eux, ça ne leur arrive pas souvent de déjeuner avec une épaule ou des côtelettes d'agneau. Argument imparable, certes, mais qui ne résiste pas forcément aux autres. Le mouton est cher. Mais que voulez-vous faire, c'est la sunna. Et puis, il faut bien réunir la grande famille et en donner aux pauvres. Pourquoi spécialement le mouton alors ? Il faut arrêter les questions, surtout que cette année sera spéciale. On ne va pas égorger le mouton. Il y en a qui en ont déjà acheté parce que l'Etat n'a pas pu interdire les espaces de vente qui ont commencé très tôt, comme d'habitude ou un peu plus. Mais on ne va pas égorger le mouton. C'est fou, ce que le coronavirus nous fait découvrir de belles choses qu'on aurait dû savoir depuis longtemps. Qu'on peut faire un bon repas avec un rôti de veau ou une... bavette ! Qu'on peut offrir un rôti ou une bavette achetée chez le boucher au voisin sans moyen. On peut faire mieux, lui glisser discrètement quelques billets parce qu'il n'a pas forcément les mêmes priorités que vous. Maintenant, c'est bon, on ne va pas égorger le mouton, « Koléa ne va pas tomber » et personne ne brûlera en enfer. Par contre, il y aura moins de ménages... saignés à blanc, les parkings seront moins ensanglantés et d'ici là, les cages d'escalier et les balcons sentiront moins la crotte et le foin. Surtout n'oubliez pas, le Covid-19 est en train de faire des ravages, pas seulement aux States et au Brésil mais à Sétif, Alger, Blida, Oran et beaucoup d'autres villes et villages du pays. On ne va pas acheter le mouton parce qu'on va créer de dangereux regroupements où personne ne respectera rien. On ne va pas ramener le mouton parce que ça rassemble des enfants et ça «inspire» les cons pour organiser des combats à la con. On n'égorge pas parce que tout dans le rituel est une invitation VIP à la saloperie. S. L.
