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L'Ugema, un apprentissage de la démocratie
Publié dans Le Soir d'Algérie le 14 - 07 - 2020

Belaïd Abdesselam vient de nous quitter : c'était un patriote avéré, il a été un acteur conséquent du mouvement nationaliste, un participant actif à la grande guerre de Libération nationale, avant de se faire connaître comme un des bâtisseurs de l'Algérie nouvelle !
Allah yarahmou. Que Dieu ait son âme et aide les siens à supporter cette douloureuse absence.
Il y a 65 ans, le 8 juillet 1955, s'est tenu le congrès constitutif de l'Ugema. Pour avoir eu l'honneur de connaître Si Belaïd, et vu le rôle qu'il a tenu dans cet acte de naissance, je me sens le devoir d'un petit geste, celui de faire plus largement connaître le simple et précieux hommage qu'a tenu à lui réserver le Dr Mustapha Negadi, le partageant avec nous, ses amis de l'Ecolymet, au cours de notre rencontre du 21 mai 2011. Qu'il soit remercié.
Abdelalim Medjaoui, le 8 juillet 2020
Mustapha Negadi, rencontre Ecolymet (*), 21 05 2011
«Pour l'étudiant (algérien) des années 50, l'Ugema constituait le cadre institutionnel de sa maturation politique et fournissait le moteur de son action.
En quoi un simple organisme syndical pouvait-il prétendre à une pareille ambition ?
Cela s'explique tout d'abord par les circonstances de sa fondation. Née le 8 juillet 1955, quasiment contemporaine de la guerre de libération, elle avait, dès le départ, à affronter de sérieuses difficultés et gérer les conflits inhérents à sa constitution avant même de s'affirmer comme association.
Cela s'explique aussi par les qualités exceptionnelles des personnes qui ont présidé à sa formation et qui s'y sont adonnés entièrement, souvent au détriment de leurs propres intérêts en ajournant ou même en abandonnant temporairement, voire définitivement leurs études. Cela est dû enfin à l'enthousiasme général des étudiants qui se sont mobilisés à cette époque de crise, qui se sont identifiés aux idéaux de l'Ugema et se sont fait une obligation de mener à bien ses missions et, chacun à sa façon, de poursuivre les objectifs de l'Union. C'est dans le cadre de l'Ugema qu'une telle synergie dans l'action est apparue chez des étudiants dont la grande majorité ignorait le militantisme et qui, pourtant, s'y est jetée corps et âme, sans réfléchir, avec la prise de conscience jubilatoire de celui qui voulait prouver le mouvement en marchant.
Comment cela a-t-il été possible ?
Au début des années cinquante, si la grande majorité des adolescents et jeunes adultes que nous étions avait au fond du cœur l'amour du pays et nourrissait pour lui les plus beaux rêves de gloire, seule une minorité parmi nous était réellement politisée. Je voudrais ici ouvrir une parenthèse avec une connotation un peu personnelle en m'excusant du fait que mon intervention prenne l'allure d'un témoignage plutôt que celle d'un exposé ou d'une thèse à défendre.
Octobre 1953 : inscription à la Fac de médecine d'Alger. Difficultés multiples pour loger chez l'habitant dans l'attente d'une réponse à une demande d'octroi d'une chambre à la cité universitaire.
Les étudiants musulmans à Alger – on ne disait pas algériens à l'époque, paradoxalement c'étaient les Européens qui usurpaient ce titre – étaient une poignée de fèves dans un immense champ de blé. Pensez ce que vous voulez de cette métaphore un peu «foireuse», elle fait ce qu'elle peut pour décrire le nombre dérisoire des nôtres par rapport à la masse des étudiants européens, dix fois plus nombreuse (pieds-noirs et juifs confondus). Nous étions peu nombreux, mais la qualité plaidait pour nous, consolation toute provisoire, mais ceci est une autre histoire, pardonnez-moi cette digression.
Je n'avais pas d'amis, la plupart des camarades de lycée reçus au bac cette année-là préféraient les universités de France – la mode était de dire «la métropole» à l'époque. Entre- temps, le rectorat avait accepté de m'octroyer une chambre à la cité universitaire. Avant de prendre possession de ma chambre à la cité U de Ben Aknoun, une cité ultra chic avec un resto U luxueux par rapport aux resto(s) de la ville et de nombreux pavillons flambant neufs abritant une population d'étudiants essentiellement européenne — les étudiants musulmans n'y étaient admis qu'au compte-gouttes, et ayant entendu parler de la Robertsau, un foyer d'étudiants situé sur le plateau du Telemly, j'ai décidé de m'y rendre. Il y avait un resto U et un foyer d'hébergement pour étudiants musulmans venus pour la plupart des Lycées franco-musulmans anciennement appelés «médersas». J'avais trouvé là un milieu étudiant très animé où on discutait à haute voix à deux ou en groupes de plusieurs dans les halls, les escaliers, au restaurant, partout où il y avait une place à investir. Intimidé par la foule où je ne connaissais encore personne, je demeurai en retrait, presque solitaire, me contentant d'observer et d'écouter à défaut de participer à cette «récré» d'un nouveau genre (j'ai usé ici de la même image que Ould Abbas, mais pour moi, elle n'a pas la signification péjorative qu'il lui attribue).
Tout à coup, on entendit un nom qui courait sur toutes les lèvres : «Abdesselam est là... Il ne va pas tarder à arriver...» Ce nom devait appartenir à quelqu'un de célèbre, un nom ou plutôt prénom à la mesure du mystère qui le précédait. C'était, certes, un étudiant, mais pas un étudiant comme les autres.
Etait-ce un gourou ? Probablement, à en juger par la façon dont son nom à peine prononcé se propageait comme une traînée de poudre avec une espèce de déférence mêlée de crainte qui imprégnait les conversations. La plupart des discussions tournaient autour de thèmes politiques.
Ce jour-là je devais me contenter de recueillir çà et là ce qu'on pouvait savoir sur lui... avant d'apercevoir de loin sa silhouette, et de plus près, son visage au teint clair, presque blond, un front haut surmontant des yeux clairs et un regard franc et pénétrant qui cherchait à cerner en vous ce que vous pouvez représenter. Il s'adressa à cette foule qui l'attendait, rassemblée autour de lui, calmement et articulant clairement ce qu'il avait à dire à cette masse d'étudiants pour la plupart acquis à ses idées et qui semblaient «boire» ses paroles religieusement. A n'en pas douter, on était en présence d'un leader politique et pas seulement un prétendant à diriger une association d'étudiants, du moins telle était l'opinion du nouvel étudiant fraîchement débarqué que j'étais. De retour chez moi, je repassais, dans mon esprit, le film de cette fin d'après-midi passée à la Robertsau ne pouvant m'empêcher d'éprouver une certaine perplexité à l'idée que quelque chose d'important se passait dans le milieu des étudiants musulmans à Alger et que le dénommé Abdesselam y était pour quelque chose.
De retour à Ben Aknoun, j'étais visiblement impressionné par la tranquillité des lieux qui contrastait avec la Robertsau et me rendis compte que la réputation de cité «ultra chic» n'était pas surfaite. Les étudiants y déambulaient tranquillement en petits groupes dans les allées au milieu de vastes espaces verts qui séparaient les pavillons d'habitation. Apparemment cette sérénité était de nature à me rassurer.
Tout était neuf, tout était propre et aseptisé... y compris les relations humaines, pensé-je au bout de quelque temps passé à la cité. Ici on ne parlait pas de politique. Nous étions donc quelques étudiants musulmans noyés dans la masse des Européens qui nous ignoraient royalement. Je repensais constamment à la Robertsau, où l'effervescence des étudiants musulmans m'attirait et m'inquiétait en même temps. Devrais-je me féliciter de m'en être éloigné ? Maintenant que je vis dans l'aisance et le luxe (rien à voir avec les conditions plutôt rustiques du foyer étudiant du Telemly), ma situation d'étudiant «indigène» au milieu de l'indifférence des étudiants français me mettait littéralement mal à l'aise. J'étais en porte à faux. Un seul remède à cette pesante solitude : le travail avec comme horizon les meilleures performances possibles pour la fin de l'année.
Quant à la politique proprement dite, mon initiation pratique était encore à faire. Je ne pouvais y être indifférent. Mes lectures allaient de Charles-André Julien à Malek Bennabi, de Mohamed Cherif Sahli à Lacheraf en passant par Sartre, Jeanson et Gramsci mais l'approche demeurait livresque. Opter pour le militantisme revenait à abandonner les études de médecine ou tout au moins les remettre à plus tard. J'avais fini par me dire qu'il valait mieux surseoir à l'engagement politique du moins jusqu'à nouvel ordre.
Ce nouvel ordre ne tarda pas à frapper à ma porte un jour de 19 mai 1956. A Paris, l'ordre d'une grève illimitée des cours et des examens était annoncé urbi et orbi à la communauté des étudiants algériens... par un leader charismatique, un certain Abdesselam, la grève était promulguée par solidarité avec le peuple algérien en lutte contre le colonialisme. Le personnage mythique entrevu une certaine fin d'après-midi à la Robertsau à Alger venait d'apparaître au grand jour dans un rôle triomphant et sera amené à exercer l'influence considérable que l'on sait qui pèsera dans le destin de l'Ugema et bien au-delà dans celui de l'Algérie indépendante.
Quittons là cet intermède autobiographique pour revenir à l'Ugema elle-même, non sans toutefois remarquer au passage que ce que je viens de dire à propos de ce que j'avais vécu un certain soir boulevard du Telemly à Alger revêt pour moi une importance considérable, unique dans ma vie d'étudiant car je venais d'avoir le privilège d'assister à la naissance des prémisses de l'Ugema, conçue à Alger et mise au monde à Paris, le temps d'une gestation.
Ce n'est peut-être pas le lieu de revenir en détail sur l'histoire du syndicalisme étudiant algérien. Si je suis amené à en évoquer les étapes principales, ce sera pour tirer quelques enseignements propres à illustrer le titre choisi pour mon propos.
Au début était l'Aeman, l'Association des étudiants musulmans d'Afrique du Nord — ça résonne comme un verset biblique – sans doute un peu prétentieux pour une modeste association corporative qui, pour voir le jour, a dû pourtant lutter pour surmonter les obstacles dressés sur son passage par les Autorités françaises. Cela se passait en 1912, à Alger. Le gouvernement colonial se méfiait non sans raison d'une telle formation d'intellectuels car assez rapidement se sont constituées des associations similaires là où il y avait des étudiants maghrébins. En 1927, l'Association des étudiants nord-africains naît à Paris.
Notons que les étudiants musulmans d'Afrique du Nord se définissaient dorénavant comme Nord-Africains, formule qui, pour être apparemment anodine, n'en représente pas moins une nuance de taille qui fait passer du statut de minorité dans leur pays à celle d'autochtones représentatifs de ce même pays qui est le leur et pour qui ils nourrissaient des rêves d'émancipation inspirés par l'éveil des pays musulmans à cette époque de l'entre-deux-guerres.
A partir de 1951, ayant pris conscience des problèmes communs au trois pays du Maghreb et de la nécessité de s'unir pour les résoudre, les Aeman s'orientent vers la constitution d'une formation élargie à vocation confédérale : l'Umem – Union musulmane des étudiants maghrébins, mais qui a dû être remise à plus tard après que les étudiants tunisiens eurent décidé de créer leur propre association, l'Uget, en juillet 1953, lors de l'accession de la Tunisie à l'autonomie. Exit donc l'Umem qui n'avait plus sa raison d'être pour le moment. C'est alors que l'idée d'une Union générale pour les étudiants algériens s'est imposée durant l'année 1953-1954, l'année même où je débarquai à Alger. C'est sur les structures des Aeman que la nouvelle association sera bâtie. Ce sera la future Ugema, appellation adoptée à l'unanimité à Alger et accueillie favorablement partout où des tracts annonçant sa venue sont distribués, en même temps que fut proposée la tenue d'une assemblée générale appelant les représentants de chaque association locale à y participer ; assemblée générale qui devait fixer la date d'une conférence préparatoire en vue du premier congrès constitutif de l'Association. Ce sera notre première formation syndicale où figureront pour la première fois côte à côte les noms de musulmans et d'Algériens, deux termes par lesquels ils se définissent comme autochtones d'un pays auquel ils s'identifient par la culture, la religion et la vocation à être indépendants, libérés de la sujétion coloniale, Idée maîtresse de la Révolution algérienne et que l'étudiant algérien fera sienne avec enthousiasme dès le départ.
Pourquoi Ugema et pas Ugea ?
Entre les deux appellations une lettre faisait la différence. «L'instance de la lettre, comme disait Lacan, est toujours grosse d'implications.» Elle faisait donc l'objet d'un litige qui recouvrait en fait un véritable conflit politico-idéologique. C'était la fameuse bataille du «M» que je me contenterai d'évoquer ici sans en exhumer la problématique ni les développements de l'argumentaire auquel elle avait donné lieu, sinon pour souligner que ce fut l'un des épisodes qui constitua le premier grand moment de mise à l'épreuve de la vocation démocratique de notre jeune association.
Les discussions autour de cette question s'échelonnèrent sur plusieurs séances donnant lieu à des assauts d'arguments et des prouesses rhétoriques mémorables où s'illustrèrent les plus doués de nos théoriciens pour défendre la nécessité du «M» contre ceux, non moins éloquents, qui lui déniaient toute légitimité. Parmi les interventions les plus remarquables, rappelons celle de Réda Malek à qui on doit le plaidoyer pour le «M» le plus solidement argumenté et le mieux doté en assises philosophico-idéologiques. Pendant ce temps, les tenants des deux idées antagonistes campaient sur leurs positions respectives au point où notre jeune association en gestation risquait la scission dès la naissance. Les partisans du «M», majoritaires, organisèrent une campagne de propagande, une sorte de consultation itinérante en délégant des missi dominici auprès de chaque section de province pour recueillir leur accord éventuel en vue de l'appellation Ugema. Réda Malek avait parcouru la France de long en large pour plaider la cause du «M» auprès des étudiants algériens de province. L'autre camp a dû se contenter d'un certain nombre de partisans de la section de Paris et de quelques éléments de province. De guerre lasse, au bout d'un certain temps, ce camp ne put faire autrement que de rallier la majorité en sabordant l'Ugea qu'ils ont fini par considérer comme non viable.
Le 8 juillet 1955 eut lieu le congrès constitutif de l'Ugema (le premier du genre) à Paris avec un nombre de participants jamais atteint jusque-là, comprenant des délégués d'Afrique du Nord, de France et du Moyen-Orient ainsi que des représentants d'organisations internationales et d'éminentes personnalités algériennes et françaises.
Au terme de ce congrès qui dura 5 jours, l'Ugema était née : organisation démocratique ayant pour instance suprême le congrès formé de membres élus avec un Comité directeur (CD) détenant son pouvoir d'un mandat électif et un comité exécutif issu du CD. Les étudiants sont organisés en sections locales bénéficiant d'une large autonomie de gestion et d'orientation de leur action et représentant le socle électoral de l'association. Mouvement syndical, elle s'est donnée pour prérogative de défendre les intérêts moraux et matériels des étudiants afin d'améliorer leur condition et les préparer à la réussite de leurs projets universitaires (en particulier elle procurera des bourses d'études à nombre d'étudiants après la grève du 19 mai 1956).
Mouvement doctrinal, elle s'attachera à ce que les étudiants œuvrent pour la restauration et l'épanouissement de la culture nationale en liaison avec les fondements arabo-islamiques de leur peuple dont il sont solidaires pour le combat qu'il mène pour l'indépendance et marquent leur fidélité aux principes de la Révolution algérienne incarnée par le Front de libération nationale, ce qui lui vaudra l'animosité de la grande centrale syndicale des étudiants français, l'Unef, animosité heureusement contrebalancée par le soutien des organisations d'étudiants progressistes aussi bien françaises qu'internationales, hostiles à la guerre d'Algérie. Moins d'une année après sa fondation, l'Ugema se trouva confrontée à la première grande crise de sa jeune existence : la guerre en Algérie entre dans une phase d'intensification croissante vu les progrès incontestables sur le terrain de l'Armée de libération nationale. La répression de la «rébellion» du côté français n'épargne aucune catégorie de la population musulmane.
Les morts des Algériens s'accumulent par milliers. Le pouvoir colonial vise particulièrement les intellectuels et les étudiants dont bon nombre tombent sous les balles de l'armée coloniale ou succombent sous la torture dans les locaux de la police ou des paras du colonel Bigeard. L'Ugema monte au créneau pour protester énergiquement contre cette entreprise d'extermination de la population algérienne auprès des instances gouvernementales en France ainsi qu'auprès des instances internationales. Une répression sauvage s'abat sur les étudiants algériens à Alger. N'y auront échappé que quelques-uns de ceux qui avaient réussi à gagner le maquis.
Un paroxysme dans la terreur qui amena les étudiants de la section d'Alger à lancer avant leur dissolution un appel désespéré pour une grève illimitée des cours et des examens le 19 mai 1956 par «solidarité» avec le peuple algérien victime d'une répression colonialiste sauvage et pour être à ses côtés dans sa lutte pour l'indépendance. Quelques jours plus tard, la grève illimitée des cours et des examens est proclamée urbi et orbi à tous les étudiants algériens ainsi que je l'ai signalé plus haut. A la veille de la session des examens dans les universités, cet ordre de grève eut l'effet d'une bombe qui ébranla l'ensemble de la communauté estudiantine. A la surprise et à l'étonnement succédèrent le doute et la suspicion, puis la colère et la déception, voire le désespoir, les étudiants concernés passèrent par toute la gamme des états d'âme possibles. La mort dans l'âme, la grande majorité des étudiants algériens observèrent l'ordre de grève.
Dans les milieux français de la «métropole», cet événement eut l'effet d'un coup de tonnerre dans un ciel bleu, événement aux conséquences incalculables qui va désormais marquer un degré d'escalade considérable dans la lutte pour l'indépendance et pour la fin du colonialisme en Algérie. L'heure de l'engagement effectif pour l'ensemble des étudiants algériens venait de sonner.
Pour l'Ugema, c'était le début d'une existence difficile dans la mesure où son combat allait s'engager dans une voie étroite, à la limite de la légalité vis-à-vis des autorités françaises risquant l'interdiction de séjour et la dissolution pure et simple, ce qui sera tôt ou tard inévitable. En attendant, pour elle, ce sera une course contre le temps. Elle risquera aussi la défection des étudiants et leur déperdition, privés de bourses et sans moyens d'existence, voire une démobilisation progressive dans leur engagement.
Cependant, contre toute attente, la grève s'est avérée être un ciment de qualité pour maintenir solidement un lien qui rapprocha le étudiants les uns des autres, les amenant à réfléchir aux moyens adéquats pour servir la Révolution, chacun à sa façon. L'Ugema ne se sera jamais désintéressée de leur sort. Elle saura mettre à profit les relations qu'elle avait établies avec les organismes internationaux favorables à notre cause. D'autres avaient opté pour l'engagement dans la lutte armée en rejoignant les maquis et ils furent nombreux à le faire. Ceux qui se reconvertirent en pays étrangers ont reconstitué une section Ugema sur le même modèle que l'association mère avec les mêmes bases démocratiques...
Fin janvier 1958, soit un mois à peine après son IIIe congrès, le gouvernement français prit la décision de dissoudre l'Ugema et de procéder à l'arrestation de ses principaux dirigeants. Les membres du comité exécutif obtinrent le régime de la liberté provisoire. La plupart d'entre eux quittèrent clandestinement le pays, ce que semblaient souhaiter, sans le dire, les autorités françaises, trop heureuses de voir s'éloigner du territoire français ces dangereux agitateurs algériens capables de mettre à mal les projets belliqueux du pouvoir colonialiste.
La diaspora de l'Ugema avait commencé. Malgré le travail négatif de forces centrifuges diverses visant à remettre en question l'autonomie de l'association et sa vocation démocratique – comme cela arrive immanquablement —, lorsqu'un organisme est affaibli, il se voit attaqué de toutes parts. Dans son malheur, l'Ugema était loin d'être morte et ceux qui convoitaient sa dépouille devaient attendre encore longtemps. Ses dirigeants eurent à essuyer les pires critiques et les pires accusations de ceux à qui profiterait la disparition de l'Ugema. Elle avait encore suffisamment de ressources intellectuelles et morales pour relever les défis à venir et elle a su le faire, bien que dispersée aux quatre coins du monde, peut-être même grâce à cela. On lui accordera l'incontestable crédit d'avoir su préserver l'essentiel de notre communauté et maintenu avec elle le lien affectif nécessaire pour continuer à exister et à lutter. Une telle fidélité réciproque aura survécu à tous les aléas et même à l'usure du temps.
Pardonnez-moi d'avoir abusé de votre patience. Je vous en remercie.»
M. N.
* Ecolymet : Association des anciens étudiants, collégiens, lycéens et médersiens de Tlemcen.
P.S. : Je n'ai pas retrouvé, dans ma collection personnelle, le numéro de la revue Retrouvailles (de l'Ecolymet) où a été publiée cette intervention du Dr M. Negadi.


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