Un mot bref sur le cas Khaled Drareni avant d'aborder la crise libanaise, pour dire ma stupéfaction à l'annonce du verdict prononcé contre lui. Car, comme beaucoup, je nourrissais l'espoir, par ces temps de pandémie, de voir Drareni et les autres activistes du Hirak libres, et espérait qu'un coup d'arrêt soit mis aux poursuites judiciaires contre des gens qui expriment un point de vue contraire au discours officiel. Voilà, je ne vais pas en rajouter sur ce qui a déjà été dit sur cette affaire, je pense aux avocats, au SNJ (Syndicat national des journalistes) et autres collectifs de journalistes et à la société civile. Au Liban, le gouvernement de Hassan Diab a démissionné mais la colère est intacte. Car le système politique basé sur un partage confessionnel du pouvoir générateur de rapines et de malversations est toujours en place. Et dans le cadre d'un tel système, des élections anticipées ne feront que différer la solution. Car la crise est profonde. Et le «Hirak» libanais, expression d'une vraie défiance envers la classe politique actuelle et les institutions qui servent ses intérêts de classe, n'est pas près de s'arrêter. Les Libanais, peuple éduqué, veulent un vrai changement, pas un changement de façade consistant en un simple changement d'hommes issus du même sérail politique qui a mené le pays au désastre. Entre ce qui se passe au Liban et ce qui s'est passé en Algérie avant que le Hirak n'observe une pause sanitaire pour cause de pandémie, il y a, certes, cette même aspiration à un vrai changement, à un mieux-être social, à la démocratie, les droits de l'Homme et les libertés sans exclusive, dont celles de la femme. Toutefois, la différence avec l'Algérie, c'est qu'au Liban, il y a une vraie presse libre, des médias — ils valent ce qu'ils valent — indépendants. Autre différence, malgré les interférences étrangères, israéliennes mais aussi arabes et iraniennes, c'est qu'aucun journaliste n'a été embastillé, aucun n'a été accusé de collusion avec l'étranger et condamné à la prison ou condamné pour atteinte à l'unité nationale, pour avoir écrit des articles ou des éditoriaux qui ne plaisent pas. En effet, dans ce pays de 5,6 millions d'habitants, qui pourrait se suffire à lui-même s'il n'était pas miné par une corruption endémique, de profondes inégalités sociales – moins de 10% de la population détient près de 60% des richesses – la liberté de parole est une réalité. Il suffit, pour s'en convaincre, de regarder les chaînes de télé libanaises, même celles où la famille Hariri est majoritairement actionnaire. Terminons cette chronique sur MBS (Mohamed Ben Salmane). Voilà le prince héritier rattrapé par une seconde affaire. Cette fois-ci, c'est un ancien responsable des services saoudiens Saad al Jabiri, qui accuse MBS d'avoir tenté de l'assassiner en 2018 et d'avoir envoyé une équipe de tueurs au Canada où il vit en exil pour lui faire subir le même sort que le journaliste saoudien Jamal Khashoggi, démembré à la scie dans les locaux du consulat saoudien d'Istanbul ! À en croire l'ancien espion, 13 jours après l'assassinat de Khashoggi, le 2 octobre 2018, une équipe, dite «Tiger Squad»,(1) composée d'experts en médecine légale et munie d'équipements similaires à ceux du groupe accusé d'avoir découpé en morceaux le corps de Jamal Khashoggi, a été envoyée au Canada pour s'occuper de lui. Et, selon Radio Canada, les membres de cette Tiger Squad seraient arrivés à l'aéroport Pearson de Toronto avec des visas touristiques à la mi-octobre 2018, moins de deux semaines après que M. Khashoggi a été assassiné, avant d'être repérés et interdits d'entrée sur le territoire canadien par la police des frontières. Et si MBS veut se débarrasser de lui, explique notre espion, c'est parce qu'il serait en possession d'informations sensibles sur le prince héritier ! Si c'est vrai, pourquoi ne les divulgue-t-il pas ? Toujours est-il que les autorités canadiennes ont pris l'affaire très au sérieux : Saad Al Jabiri, qui a étayé sa plainte dans un document de 108 pages déposé devant un tribunal de Washington, a été placé sous la protection d'officiers de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et de gardes de sécurité privés. À suivre... H. Z.
(1) Selon la BBC, le «Tiger Squad» est une sorte de force spéciale des renseignements saoudiens pour mener des opérations secrètes à l'étranger.