Et revoilà Bonatiro, celui par qui le scandale arrive. Une fois de plus, il vient de nous rappeler à son existence par des frasques dont il est le seul à avoir le secret. Guettant le moindre frémissement sismique qui secoue le pays, il invite à la psychose collective d'une population qui n'est pas à sa première épreuve, la dernière étant en cours, en l'occurrence la crise sanitaire induite par le coronavirus. À ce propos, il a récemment mis en avant la découverte d'un remède miracle validé par des laboratoires étrangers. Mieux, le ministre de la Santé de l'époque lui avait même délivré son quitus en l'invitant à faire part de sa trouvaille aux services de son département. Rien que ça ! Evidemment, cela a fait les gorges chaudes d'une presse avide de scoop. Et comme il fallait s'y attendre, le ressac a effacé toutes ses velléités, c'est-à-dire plus question du médicament-sauveur. Mais le personnage excentrique à souhait n'en démordra pas pour autant, cette fois-ci sur un registre qui lui est cher, les tremblements de terre. Et son histoire commencera avec le terrible séisme de l'ex-El Asnam, aujourd'hui Chlef, de magnitude 8,5 sur l'échelle de Richter qui en compte 9. Les dégâts humains et matériels furent énormes et la peur-panique qui s'était installée l'était aussi. C'était il y a 40 ans. Loth Bonatiro, avec son air docte, sûr de sa science infuse, surgira de nulle part pour prédire le pire pour Alger, la capitale. Les images de la catastrophe de cette wilaya distante de 200 km feront le reste. Et depuis, ces sinistres prévisions ne se vérifieront pas. Fort heureusement. Son impertinence, toutefois, aura de nouveau l'occasion de s'exprimer à la faveur des récentes secousses telluriques, survenues dans la nuit de samedi à dimanche derniers, atteignant 4,5 degrés et ressenties à Chlef, Blida et Alger. Mais sans dégâts matériels et humains. Il y a aussi celles de la wilaya de Mila, sans pertes humaines, cependant. Une bonne affaire pour notre Loth Bonatiro (exclu du Craag) qui, une fois de plus, va faire le buzz par le biais des médias qui lui ouvrent les bras. Ses déclarations ne manqueront pas d'effet théâtral dans une population fragilisée par le Covid-19, prête à suivre n'importe quel charlatan dans les moments de crise et d'interrogation. Surfer sur la peur et les doutes lui assure une bonne publicité, et il le sait. Il sait que faire parler de soi-même en mal est une technique de base de la communication. Il en fera de même s'agissant des fêtes religieuses, en s'évertuant à démentir les dates officielles et va jusqu'à entrer en conflit avec les autorités gardiennes du culte et... des scientifiques de l'association Sirius basée à Constantine. Les déclarations fracassantes de celui qui se pose comme docteur en astronomie et technologies spatiales ne passent pas cette fois-ci dans la communauté scientifique. Trop, c'est trop d'affabulation, dira cette dernière. Dans un communiqué rendu public, 44 docteurs et professeurs, outre des associations de la société civile s'insurgent contre : «Les prédictions de Bonatiro : un danger national.» Il est peut-être utile de noter que les signataires sont de toutes les universités d'Algérie et d'autres pays comme la Grande-Bretagne, de l'Union arabe d'astronomie et des sciences de l'espace ; des Emirats arabes unis, de France. Dans un réquisitoire incendiaire, ces personnalités scientifiques ne comprennent pas que leur souffre-douleur ait si bonne presse, «lui qui n'a aucune qualification en géophysique et encore moins en sismologie». Le communiqué le descend en flammes : «Ses prédictions attentatoires aux données de la science, irresponsables et dangereuses à même de provoquer des réactions de panique aux conséquences incalculables. Ce que nous attendons d'une personne responsable est de s'abstenir de contribuer à un état de psychose, notamment envers une population durement éprouvée par la pandémie actuelle et encore plus pour ceux vivant dans les zones ayant subi les secousses telluriques.» Le groupe signataire du communiqué voue aux gémonies «l'apprenti sorcier » qui marche sur leurs plates-bandes. Mieux, il va plus loin : «Nous demandons des autorités compétentes que M. Bonatiro soit civilement responsable de ses actes qui menacent l'ordre et le bien-être public.» C'est on ne peut plus clair ! Nous doutons fort que le mis en cause l'entende de cette oreille et qu'il mette en sourdine son « activité sismique » au sein de l'opinion publique. De secousses telluriques et répliques, c'est toute la bande nord du pays qui est traversée par le phénomène sismique. Au même titre que les autres régions du pays, Alger n'y échappe pas. Si le groupe de signataires interpelle les consciences en rappelant les dangers inhérents à une mauvaise gestion des risques des catastrophes naturelles, il en va de même pour les inondations (Bab-el-Oued) ou les incendies, l'on est en droit de s'interroger sur la réaction disproportionnée à l'endroit d'un Loth Bonatiro capable de récupérer ces critiques à son avantage par un phénomène de victimisation. Le cas le plus proche de nous est celui de l'épidémiologiste français, Didier Raoult, qui a vu se liguer contre lui ses compatriotes, la communauté des scientifiques et autres chercheurs parce qu'il a osé s'inscrire en faux par rapport à leurs idées et conclusions quant au coronavirus. Toutes les tentatives de le museler n'ont fait que lui attirer des sympathies dans une opinion publique terrassée par le confinement. Brahim Taouchichet