Il m'est désagréable de faire ce genre de comparaison entre l'Algérie et d'autres pays. C'est toujours un exercice délicat. Mais les cas de Khaled Drareni, qui sera jugé en appel le 8 septembre, et Abdelkrim Zeghilèche, qui a écopé de deux ans, m'y incitent. C'est un cas de conscience. Je n'incrimine personne. Quand je lis ce qui s'écrit et que j'entends ce qui se dit sur Donald Trump aux Etats-Unis, tourné en ridicule, présenté comme un clown, quand je regarde les « une » du Canard Enchaîné ou de Charlie Hebdo ou encore les écrits et commentaires sur Emmanuel Macron ou encore la manière dont est traité Boris Johnson dans les tabloïds anglais — et ne parlons pas des réseaux sociaux — force est de constater qu'aucun journaliste n'a été poursuivi, arrêté et condamné à de la prison ferme aux Etats-Unis, en France, en Grande-Bretagne ! On peut faire le même constat pour l'Italie, l'Allemagne, l'Espagne, la Grèce, le Portugal, les pays scandinaves, l'Argentine, le Brésil... ou des pays plus proches de nous, comme l'Afrique du Sud ! On va certes me rétorquer que les pays cités font partie de l'aire impérialiste, que leurs médias ne sont pas aussi libres qu'on le croit, qu'ils appartiennent à de grands groupes financiers. Soit, mais à côté de ces « grands médias » connus, il y a tous ces journaux de gauche et sites en ligne comme Mediapart en France, tous ces médias anglosaxons comme Le Guardian, l'Observer ou le New Yorker aux Etats-Unis, et ce, sans compter cette multitude de sites alternatifs américains y compris des radios et des télés. Une précision encore : dans ces pays de l'aire impérialiste, on l'oublie souvent ou on ne le mentionne que peu, il y a une lutte de classes qui s'exprime. Etats-Unis toujours : quand le journaliste américain Seymour Hersh a révélé en 1969 le massacre de My Lai (Vietnam) commis en 1968 par les forces américaines, est-il allé en prison pour « trahison » ? Quand il a révélé le scandale de la torture dans la prison d'Abou Ghraïeb (Irak) en 2004 impliquant la CIA et la haute hiérarchie militaire américaine, est-il allé en prison ? Ou encore, quand lui, Seymour Hersh, juif américain, dit qu'« une partie importante de l'argent juif et des leaders juifs américains soutiennent la position israélienne qui fait de l'Iran une menace existentielle », a-t-il été poursuivi et privé d'écrire ? Non. On salue plutôt son travail d'investigation. Ce qui lui a valu d'ailleurs le prix Pulitzer. Et ne parlons pas de tous ces livres et enquêtes-révélations sur Donald Trump ! Aussi, sommes-nous nombreux à rêver que l'Algérie, sans pour autant renoncer à ses fondements identitaires, à ce qui fait sa raison d'être, fasse partie un jour des pays où remporter une élection ne signifie pas signature d'un chèque en blanc à l'heureux élu pour faire ce qu'il veut et qu'il est, avant tout, comptable de son mandat aux yeux de ceux qui l'ont élu et qu'il est du droit de ceux qui n'ont pas voté pour lui de lui porter publiquement la contradiction. Et à souhaiter qu'au niveau des médias, comme cela se passe ailleurs, il y ait à la fois des médias et des journalistes qui soient pour la politique du pouvoir en place et des médias critiques ou opposés ! La démocratie, c'est cela, rien que cela ! Et pour ce faire, il n'y a pas lieu d'attendre deux siècles ! L'Espagne, le Brésil, l'Argentine, l'Afrique du Sud, qui étaient dirigés, il n'y a pas si longtemps, par des dictatures sanguinaires, ont montré la voie. Et le Hirak s'inscrit dans cette perspective de rattrapage de 50 ans de retard en matière de démocratie, de libertés et d'affirmation d'une citoyenneté qui prime sur le reste, y compris et surtout sur le politico-religieux «soft» que Rachad essaie de nous vendre après avoir pris note de l'échec de l'Islam politique dans sa forme et sa pratique anciennes. H. Z.