Le marché unique africain. Un vieux rêve qui n'en finit pas de traverser les générations. Il est sans doute encore loin de voir le jour, tant l'œuvre à réaliser n'est pas la plus évidente qui soit, notamment en raison de toutes les divergences qui, depuis des lustres, minent les relations entre les pays du continent et des forces «invisibles» extra-Afrique qui ont entretenu ces divergences mais n'ont pu empêcher que soit finalement entérinée la naissance de la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf). Dimanche, lors de la réunion du Conseil des ministres, le ministre des Affaires étrangères a présenté un projet de texte portant approbation de l'accord relatif à la création de la Zlecaf, conclu le 21 mars 2018 à Kigali. En réponse au texte proposé, le communiqué de la présidence de la République, sanctionnant la réunion du Conseil des ministres, nous apprend que des orientations ont été données aux ministres concernés, sous la supervision du Premier ministre, à l'effet de tirer avantage des expériences de libre-échange qu'a connues l'Algérie avec les autres ensembles régionaux, en vue de s'assurer de l'origine africaine des biens et marchandises en circulation dans la Zone de libre-échange, et dont le taux d'intégration ne doit pas être inférieur à 50%, pour qu'ils ne s'infiltrent pas dans le marché national, au détriment de la production locale, des produits fabriqués en dehors du continent africain ». Ainsi, l'Algérie vient de prendre une décision qui s'imposait depuis un certain temps, eu égard au retard qu'elle accuse pour être prête au moment du lancement de la Zlecaf, le 1er janvier 2021. Un retard d'ailleurs commun aux pays du Maghreb qui, comparés aux autres ensembles régionaux en Afrique, rechignent à entrer dans le mouvement. En fait, ce sont la plupart des pays du continent qui affichent un niveau de préparation très relatif, les grandes économies africaines demeurant toujours tournées vers d'autres horizons que leur continent. C'est là un constat établi tout récemment par une étude menée par des économistes, des hommes d'affaires, des chefs d'entreprises et hommes politiques africains. Pourtant, en ce qui concerne l'Algérie, les appels n'ont pas manqué, notamment de la part des chefs d'entreprises, pour qu'un intérêt plus poussé soit accordé par les autorités du pays au marché africain. Un marché dont la conquête n'est pas au-delà du potentiel des entreprises algériennes, encore faudrait-il que certaines entraves trouvent solution pour y accéder, à commencer par la mise en place d'une politique africaine dans le domaine commercial, l'engagement des banques et, par ricochet, une réglementation du genre de celle relative au change. Des appels à s'ouvrir plus sur le continent, à l'instar de celui du président de l'Association des exportateurs algériens (Anexal), Ali Bey Naceri, qui plaidait, il y a quelque temps, pour que les Algériens se mettent à mieux connaître le continent «parce que l'on s'est trop focalisé sur d'autres espaces, d'autres continents, sauf celui qui est naturellement le nôtre», tout en préconisant que l'on privilégie d'abord l'adhésion aux marchés qui nous sont proches, c'est-à-dire la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cedeao), un espace très important avec lequel nous avons besoin de mettre en place des relations économiques, puis réfléchir à l'extension vers la Zone de libre-échange continentale. Bien que rudement éprouvé par la pandémie de Covid-19, le lancement de la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf) est toujours prévu pour le 1er janvier 2021 et, à ce titre, au début du mois d'août, a eu lieu la remise des clés du bâtiment devant abriter le siège de son secrétariat général, à Accra, la capitale ghanéenne. C'est, en tous les cas, une entité qui entend avoir son poids dans l'économie mondiale. Ce à quoi s'attendent d'ailleurs des experts de la Banque mondiale qui, dans un rapport, estiment que la Zone africaine de libre-échange représente une belle opportunité pour stimuler la croissance, réduire la pauvreté et permettre à l'inclusion économique dans l'ensemble des régions du continent de prendre des proportions autrement plus importantes. Selon les perspectives de la BM, il est attendu que la libéralisation des tarifs douaniers, la réduction des barrières non tarifaires comme les quotas et les règles d'origine, permettraient d'augmenter les revenus de 2,4%, soit environ 153 milliards de dollars. L'impact des mesures de facilitation du commerce, qui limitent les formalités administratives, abaissent les coûts de mise en conformité pour les sociétés commerciales et facilitent l'intégration des entreprises africaines dans les chaînes logistiques mondiales, est estimé à 292 milliards de dollars. De quoi inciter les gouvernements des pays du continent à hâter leur préparation, comme l'a apparemment décidé l'Algérie, si l'on doit se fier au Conseil des ministres de dimanche dont le communiqué nous apprend, donc, que le Président Tebboune a demandé que le gouvernement prenne les devants en prenant en compte les expériences du pays dans ce genre d'accords, même s'il est bien entendu que la Zlecaf n'a rien à voir avec, par exemple, l'accord d'association avec l'Union européenne, très controversé, depuis quelques semaines plus particulièrement. Azedine Maktour