Ça en a tout l'air. En tout cas, c'est dans les habits d'un Président visitant un département d'outre-mer qu'il s'était déjà rendu le 6 août dernier à Beyrouth, pour s'adresser directement aux Libanais, appelant directement, sans autre forme de protocole, à «un ordre politique nouveau». À sa suite, son chef de la diplomatie, Jean-Yves le Drian, a appelé à la « formation rapide d'un gouvernement qui fasse ses preuves auprès de la population» ! De retour au pays du Cèdre mardi dernier, Emmanuel Macron s'est rendu dans la montagne libanaise que survolait au même moment la Patrouille de France comme si c'était la fête du 14 Juillet. Puis retour à Beyrouth pour un brin de causette avec le chef d'Etat libanais. « Est-ce qu'on est clair sur la feuille de route ?» (dixit Le Figaro), a-t-il demandé au Président Michel Aoun comme s'il s'adressait à un préfet de région avant de le sanctionner. «Il faudra de la patience, ceux qui veulent le détruire [Le Liban] sont déterminés, mais nous le sommes plus encore», a-t-il déclaré, juste avant, à de jeunes Libanais. Cela, après avoir rendu visite à Fayrouz qu'il a décorée de la légion d'honneur mais l'histoire ne dit pas si la diva libanaise a chanté spécialement pour le grand chef français ! Au menu de sa visite, une virée à Tripoli pour serrer la pince à Rafik Hariri, l'ex-otage de MBS, qui a retrouvé, on s'en souvient, sa liberté grâce à Emmanuel Macron et que ce dernier veut sans doute remettre en selle ou dont il espère du moins compter sur l'appui ! Dernier message du chef de l'Etat français avant de quitter la province libanaise, la mise en place d'un «gouvernement de mission... au plus vite» car, a-t-il indiqué, «c'est la dernière chance pour ce système». Et comme s'il était en campagne électorale – l'élection présidentielle française c'est en 2022 – il a ajouté avant la fin de sa courte visite libanaise : «J'ai fait un pari risqué, j'en ai conscience, je mets la seule chose dont je dispose sur la table : mon capital politique » ! Non sans menacer de sanctions ces grandes familles libanaises qui se partagent politiquement le pays sur des bases confessionnelles : «Si aucun changement n'est accompli, des mesures punitives pourraient être adoptées contre la classe dirigeante» ! Et de promettre de revenir en décembre prochain pour vérifier si ses instructions ont été appliquées, parmi lesquelles, outre des réformes politiques pour refonder le pays, un audit de la Banque centrale présidé par le très contesté gouverneur Riad Salamé. Entre-temps, une nouvelle conférence internationale de soutien au Liban aura lieu à la mi-octobre. Cela étant, il faut reconnaître à Emmanuel Macron qui, après le Liban s'est rendu en Irak, une certaine habileté. Le moment semble bien choisi. Donald Trump a le regard rivé sur la présidentielle de novembre. Benyamin Netanyahu, en difficulté en Israël en dépit du coup de pouce des Emirats arabes unis, ne peut se permettre de faire diversion en agressant le Liban, ce qui apparaîtrait comme un mauvais geste envers la France. L'Iran, frappé doublement par les sanctions américaines et la pandémie, sur fond de mécontentement social interne croissant, est dans une posture compliquée. Au nord de l'Irak, il y a «le grand Turc», Tayyip Erdogan, qui a l'œil rivé sur Kirkouk, riche région pétrolière, où vit, depuis la nuit des temps, une forte minorité de Turcomans qu'Erdogan se promet de protéger contre les Kurdes et les Arabes qui se disputent également le contrôle de la région. Et ce, sans compter la Russie de Poutine bien installée en Syrie et... en Méditerranée ! Tayyip Erdogan, qui bénéficie de l'appui de Washington, inquiète la France de Macron et pas seulement. Ses navires de guerre toisent la flottille de la petite Grèce et les bâtiments de guerre français qui croisent au large de la Libye. Avec pour enjeu, les richesses énergétiques – le gaz naturel – de la Méditerranée orientale. Et comme la Tunisie et l'Algérie ne sont pas loin de ces zones chaudes... H. Z.