Il paraît que plus d'une centaine d'universitaires, ils se disent universitaires, ils n'ont pas exhibé leurs diplômes ni leurs travaux, patriotes qu'ils sont (disent-ils), à commettre un écrit, sous forme de signal d'alarme (rien que ça), afin d'attirer l'attention sur le danger de l'officialité de tamazight. C'est comme ça que j'ai compris le haut-le-cœur de ces universitaires. Pardon, pour les désigner, je vais les désigner par cette qualité. Je ne sais pas quelle mouche les a piqués. Je suis curieux de savoir comment ils ont fait pour se contacter. Comment ils se sont regroupés ? Qui a eu l'initiative ? Comment ont-ils analysé la chose ? Toutes ces questions se bousculent dans ma tête, au point où je perds l'équilibre. Il y a trop de monde dans ma caboche. Et ces universitaires viennent rajouter leur tintamarre. Personne ne leur a rien demandé, pourtant. N'ont-ils donc rien à faire ? Il est vrai que l'oisiveté est mère de tous les vices. Et leur vice à eux, c'est de chercher des poux là où il n'y en a pas. De chercher des poux sur la tête d'un chauve. Allons donc messieurs ! Tapis derrière votre inconfort intellectuel, vous n'avez pas trouvé autre chose que de stigmatiser « votre » langue, la mienne. Il n'y a rien d'autre qui attire votre « patriotisme intellectuel » en Algérie. Il n'y a pas une autre menace. Il n'y a pas autre chose qui vous semble anormale dans « votre » pays, le mien. Votre « courage intellectuel » ne fera pas date dans l'histoire de ce pays. Vous êtes en train de « pousser un âne mort » (dites-le en darja !), vous toucherez du doigt votre fuite en avant universitaire. Vous menez un combat (si toutefois, il y a combat) d'arrière-garde. Vous êtes dépassés par le temps. Vous êtes touchés par une péremption qui, désormais, ne vous lâchera point. Jetez plutôt un regard sur l'état de « votre » université et dites-moi ce que vous voyez. C'est votre image qui se reflète sur les cahiers de notes. Sur le niveau réel de l'université. Il paraît, également, selon un ministre algérien, que tamazight n'est pas une langue de science. Il paraît, également, selon un ex-ministre algérien, que l'université algérienne n'a rien à faire d'un prix Nobel. Quelle est donc cette langue qu'il nous faut pour que la science rayonne en Algérie ? Je ne vous propose aucune langue, Monsieur le Ministre. Pas même l'anglais ! Décidément, tamazight est une lubie pour certains. Comme ça, sans raison, par la grâce d'une « nefha », un ministre de la République décide, en son âme et conscience, que tamazight n'est pas une langue de science, comme si tamazight est à l'école depuis des siècles. Puis, est-ce sa spécialité ? Son domaine de prédilection ? Son objet d'étude ? Que se passe-t-il dans la tête d'un ministre pour édicter une sentence pareille ? Certains se font filmer sur Facebook toute honte bue. Et déclarent que tamazight n'est pas ceci, n'est pas cela, etc. Je ne veux pas répéter leurs sottises. Encore heureux que ces gens-là ne disposent pas du pouvoir. Que feraient-ils s'ils disposaient du pouvoir ? Je crains le pire. L'autodafé serait une simple limite. C'est une haine viscérale. Qui ne devrait pas exister. Je suis touché par cette haine pour plusieurs raisons ; je suis amazigh et je revendique mon amazighité. Je le dis sans haine, sans m'opposer à quiconque. Je veux vivre mon amazighité. Et ma langue est à même, elle le fait déjà, de prendre en charge les connaissances du monde. Ihi, allez arrêter la caravane ! Il paraît que la sorcellerie sévit dans notre pays. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est une députée de la République. J'ai une peur bleue de la Covid-19, je l'avoue franchement. J'avoue également que je suis hypocondriaque. En plus du corona, il y aurait donc une épidémie de sorcellerie. Est-ce que le masque et la distanciation sociale, enfin toutes les barrières anti-Covid, prémunissent contre la sorcellerie ? Il me faut contacter mon toubib préféré ; il a beaucoup « lu », lui ! Au fait, quels sont les symptômes de la sorcellerie ? De la fièvre ? Des hallucinations ? Des vomissements ? Une perte de goût ? Des vertiges ? Une voix intérieure me dit : « La sorcellerie n'existe pas. Tu flippes pour rien. Inutile d'appeler ton toubib préféré. Au pire, une rokia te fera beaucoup de bien. A t'entendre respirer, tu en as grand besoin. Au pire, tu vas mourir. 2020 est une année mortifère. Puis, on n'est pas sorti de l'auberge « covidée ». Alors ? » Je vous ai dit qu'il y a beaucoup de monde dans ma caboche. J'entends des voix sans être Jeanne D'Arc. Et si, en définitive, je suis ensorcelé ? Donc, je peux dire n'importe quoi. Donc, je ne suis responsable de rien. Donc, je ne suis coupable de rien. N'est-ce pas de la sorcellerie ? Dans ces affaires-là, Machiavel, c'est du pipi de chat ! Il faut sortir de l'université algérienne, qui n'a pas besoin d'un prix Nobel, pour faire une démonstration pareille. Je vois bien un film dans ce sens, avec pour titre, « Je suis ensorcelé, mais je me soigne ! » On va affoler Cannes avec un long-métrage comme celui-là. Hé, cher toubib préféré, pourrais-tu me scanner mon cerveau pour voir ce qu'il se passe dedans ? Il paraît que le problème des liquidités va être incessamment sous peu réglé. Oui, oui, il va être réglé. Comme je vous le dis, il va être réglé. Il n'y aura plus ces chaînes humiliantes devant des guichets inhumains et des vigiles autoritaires. Ce problème va être réglé d'ici peu. Oui, oui, avant le référendum sur la Constitution. Attention, il n'y a aucun lien avec le référendum de novembre. Rien du tout ! Il y a une commission qui planche dessus. Une commission multisectorielle. Comme je vous le dis, tous les secteurs vont être mis à concours. C'est une question de dignité nationale ! Il n'y aura plus jamais de chaînes pour retirer ses sous. On risque même de vous les déposer at home. Pourquoi pas ? Cette commission est capable de tout. Puis, on pourra faire appel à la sorcellerie pour régler ce problème de liquidités. Personnellement, j'ai beau tourner le schmilblick dans mon crâne, qui grouille de monde, je ne trouve pas d'explications ni de solutions. Je me déclare incompétent. Je suis atteint du principe de Peter. J'avoue, je reconnais, j'assume. Je ne comprends rien à ce problème de liquidités. Du reste, je compte me rendre chez une « djennya » pour comprendre la « âfsa ». Aujourd'hui, dans cette ambiance à la Harry Potter, je demanderai à Yasmina Khadra de clore ce tourbillon de parole : « Le pouvoir est une effroyable sorcellerie, une possession démoniaque, une folie à l'état pur. Une fois contaminé, vous ne pouvez plus vous en défaire. C'est tellement enivrant. » Y. M.