Disparue presque totalement de la circulation, la zorna est de retour, cette année, dans les fêtes de mariage à Mila. On recourt de plus en plus à ces troupes de musique traditionnelle pour l'animation des noces. Il est vrai que ces troupes s'invitent également dans les circoncisions, mais force est de constater qu'elles sont surtout sollicitées pour les mariages. À cause de la pandémie, beaucoup de fêtes de mariage ont été reportées à l'automne, cette année. Aussi, ces dernières semaines, on assiste à une flopée de mariages hors-saison. Et, chose notable, tous les cortèges nuptiaux ont ce quelque chose en commun : la zorna. En effet, il n'y a plus, ou presque, de cortège nuptial qui ne soit pas égayé par les notes stridentes, mais qui invitent à la danse, que les musiciens enturbannés tirent de leurs classiques instruments de musique à vent. Identifiables à leurs costumes d'artistes : pantalon bouffon, gilet noir sur chemise blanche ou beige, et turban aux fils dorés, les joueurs de la zorna, organisés pour la plupart en association culturelle, ravissent la vedette cette saison. Ils continuent de semer la gaîté dans les fêtes de mariage de la région et perpétuent, dans le même temps, une tradition qui était à deux doigts du musée. Toutefois, les troupes actuelles se différencient nettement de leurs aînés. D'abord par les effets vestimentaires : anciennement, les zarnadji de la région n'avaient aucune tenue particulière, ils s'habillaient de façon ordinaire, autrement dit de ce qu'ils portaient au quotidien. Ensuite, les groupes actuels, en plus des trois musiciens des orchestres d'autrefois, comptent également des danseurs (exclusivement des hommes), qui participent avantageusement à l'animation de la fête. En outre, contrairement à leurs aînés qui jouaient de la zorna toute la durée de la fête, soit de l'heure d'arrivée de la mariée dans sa demeure conjugale jusqu'au rite du henné qui a généralement lieu à des heures tardives de la nuit, les musiciens qui perpétuent la tradition aujourd'hui, n'ont, en tout, qu'une heure environ de spectacle à donner, une durée répartie en deux temps, soit une demi-heure devant la maison paternelle de la mariée et une séquence de durée égale à l'arrivée de celle-ci dans sa nouvelle demeure. Pendant ces deux moments, on joue généralement des airs légers du répertoire musical local, dont l'inévitable et très demandé «air-du-camion», air mélodieux, dansant, ponctué par de brefs arrêts et des reprises tout aussi inattendues, qui stimulent l'envie de déhancher. Enfin, les troupes actuelles font, parfois, intervenir des cavaliers pour de courtes séquences équestres, surtout dans les régions du sud et du centre de la wilaya, alors que traditionnellement, ces exercices de fantasia étaient l'œuvre de voisins ou de proche du marié. Bref, quoi qu'il en soit, la réapparition de la zorna dans les mariages est, en elle-même, un évènement notamment en cette période transitoire entre confinement et déconfinement, où le besoin aux joies collectives se fait cruellement sentir. Kamel Bouabdellah