La justice sud-coréenne a condamné vendredi le Japon à dédommager 12 femmes qui avaient été réduites à l'esclavage pendant la Seconde guerre mondiale par l'armée impériale, une décision sans précédent, et d'emblée condamnée par Tokyo. Le tribunal du district central de Séoul a décidé que le gouvernement japonais devrait payer à chacune des victimes ou à leurs familles 100 millions de won (74 000 euros), rapporte l'agence sud-coréenne Yonhap. Il s'agit du premier dossier civil présenté à la justice en Corée du Sud contre Tokyo par celles qui étaient appelées dans un euphémisme «femmes de réconfort», et qui étaient les esclaves sexuelles des militaires japonais. Tokyo conteste la légalité de ces poursuites, estimant que ces contentieux ont été réglés par le traité de 1965 qui avait permis la reprise des relations diplomatiques bilatérales. Dans son jugement, le tribunal relève que le Japon impérial était responsable du système des «femmes de réconfort». «Les plaignantes (...) furent soumises à une exploitation sexuelle prolongée» affirme-t-il. «Cela relevait d'un acte illégal contre l'humanité et le défendeur a l'obligation de compenser les victimes pour le préjudice mental.» Les relations entre Tokyo et Séoul sont plombées par les vieux contentieux hérités de la période où la péninsule était colonie japonaise (1910-1945). Elles se sont envenimées depuis l'élection du président sud-coréen Moon Jae-in, avocat de centre-gauche engagé dans les dossiers des droits de l'Homme. Tokyo a condamné vendredi le jugement et convoqué l'ambassadeur de Corée du Sud. «Il est extrêmement regrettable que le tribunal du district central de Séoul nie le principe de l'immunité souveraine» des Etats, a déclaré dans un communiqué le ministère japonais des Affaires étrangères. «C'est pour le gouvernement japonais inacceptable.» Selon la majorité des historiens, jusqu'à 200 000 femmes — principalement originaires de Corée mais également d'autres pays asiatiques y compris la Chine — ont été forcées à se prostituer par les militaires japonais. Le jugement rendu vendredi découle de poursuites intentées il y a huit ans par 12 plaignantes, dont cinq sont encore en vie. Les autres sont représentées par leurs familles. Tokyo a toujours refusé de comparaître, soutenant que le contentieux avait été vidé par le traité de 1965 qui impliquait le versement de réparations. Il stipulait en outre que toutes les réclamations entre les Etats et leurs ressortissants se trouvaient «réglées complètement et définitivement». Mais pour le tribunal de Séoul, cet accord ne portait pas sur le droit des femmes à réclamer des dédommagements au Japon.