Comme des junkies en manque, ils souffrent, halètent et guettent. Ils sont des milliers, des dizaines de milliers ou des centaines de milliers si ce n'est pas un tantinet exagéré. Oui, des compatriotes à qui le pays manque, ce n'est pas une vue de l'esprit, ce n'est pas un discours de patriotard obséquieux, ce n'est pas une hallucination. Depuis le début de l'épidémie et tout ce qu'elle a charrié comme contraintes, comme désagréments et comme souffrances, depuis que les femmes et les hommes d'Algérie et d'ailleurs «n'ont plus leur destin entre les mains», ne sont pas maîtres de leurs mouvements, autant dire ne sont pas dépositaires de leur vie. Dans le cas précis, c'est toute une humanité qui ajoute au drame commun les douleurs spécifiques. Aux malheurs collectifs se greffent toujours des détresses individuelles, parfois intimes, n'est-ce pas ? Vous imaginez alors la situation : des Algériens viscéralement attachés à leur pays, qui ont leur terre chevillée au corps, se retrouvent d'un coup privés de ses chaleureux accueils, orphelins de ses heureuses retrouvailles et tenus loin de ses rassurantes entrailles. On a tout dit de nos ressortissants de l'étranger. On n'a pas toujours compris les raisons de leur départ. On n'a pas toujours le sens de leur regard critique. On a souvent mal apprécié les motivations de leurs bouderies mais les plus lucides d'entre nous ne pouvaient pas avoir le moindre doute quant à l'essentiel de leurs rapports au pays. Et puis de... quel droit ? Passons, parce qu'il y a plus important pour l'instant. Ils attendent, le billet en poche comme un chèque signé en blanc mais attend quand même la somme. Ils attendent aussi comme de grands enfants prudents qui redoutent une terrible désillusion. Ils pensent qu'ils ne vont pas s'en remettre, même s'ils s'en remettent toujours, d'en avoir vécu d'autres. Ils attendent et posent toutes les questions : cette dernière, postée par une amie sur Facebook : «Est-il possible de partir en Algérie ? Il n'y a aucune communication sur l'ouverture des frontière !» Quelqu'un lui a répondu que les frontières, on a plutôt communiqué sur leur fermeture. La réplique est un peu facile ça ne l'empêche pas d'être vraie. Notre Slim national, international mais belabésien quand même reste dans sa vocation : Est-ce vrai qu'Air Algérie reprendra ses vols le... 1er avril ? Passons, on peut rire de tout à condition que ça fasse rire, comme c'est le cas. Même de la détresse de nos compatriotes guettant le premier vol ? Bien sûr. Même si parmi eux, il y en a qui n'ont pas le cœur à ça. Allez, souriez, ça décollera bientôt et peut-être bien avant ça ! S. L.