Par Karim Younès L'Algérie n'est pas une terre de nulle part. Les Algériens ne sont pas un peuple qui s'éveille au monde et à la civilisation. Chaque mètre carré de notre sol, chaque pierre de nos montagnes, chaque grain de sable porte en lui les traces d'une civilisation de bâtisseurs, de héros. Nous nous devons de contribuer à l'éveil de la conscience du peuple algérien sur ses origines et nous devons honorer sa fierté de faire partie de ceux qui ont puissamment contribué à l'essor de la civilisation méditerranéenne. Connaître notre histoire, c'est asseoir définitivement notre être en ce millénaire de l'identité, car l'histoire, c'est toujours l'histoire d'une communauté humaine, tant l'histoire comme récit fait par l'historien des évènements passés que l'histoire comme une aventure en train de se faire. L'une se conjugue au passé, l'autre se conjugue au présent. Ecrire, fouiller les entrailles de notre terre pour découvrir les parcelles de notre identité sont un devoir politique en ce sens qu'est posé le problème du sens et de la finalité de l'histoire. La Tunisie s'enorgueillit toujours d'abriter Carthage, l'Egypte n'arrête pas de fouiller pour mieux connaître son histoire millénaire. Dans le même temps, les Etats-Unis d'Amérique pillent et effacent les vestiges de l'Irak mésopotamien, la France déculture ses colonies. Deux situations, deux oppositions, deux guerres sourdes dont l'enjeu est la primauté de l'être culturel et civilisationnel de l'Occident aux dépens des autres peuples du monde. Nous connaître et donc nous bâtir, tel est notre défi. Sinon, nous ne comprendrions pas pourquoi depuis l'aube des temps la terre algérienne a été constamment la cible de prédateurs et pourquoi nos aïeux ont toujours souffert, résistance après résistance, lutte après lutte. Il suffit de peu pour affaiblir un pays. Il suffit qu'un ego surdimensionné de ses dirigeants, ajouté à leur cupidité et à leur égoïsme soient au cœur de leur recherche du pouvoir pour que se déclenche, parfois à leur insu, le compte à rebours de l'implosion, de la décadence et de la soumission aux nations plus fortes. Hier est aussi aujourd'hui. L'Histoire se répète mais par certains aspects seulement. Les mêmes appétits de domination, d'influence, de colonisation qui ont prévalu durant les guerres qui nous sont imposées, se retrouvent dans les calculs géopolitiques et géoéconomiques d'aujourd'hui. Elle ne se répète pas. Marx disait d'ailleurs « L'histoire ne repasse pas les plats » ; sinon, nous ne répéterions pas les mêmes erreurs. On ne fait pas de l'histoire pour prévoir l'avenir mais pour garder trace de notre passé afin d'expliquer le pourquoi et le comment de la société actuelle. L'homme est en quête permanente de son identité, ce n'est que par l'histoire en tant que processus qu'il peut se construire et devenir conscient de lui-même. C'est pourquoi il ne retient de l'histoire que les moments critiques, ceux des menaces dans son existence, autrement, dit les guerres. Ainsi les institutions sont là pour aider à la reconnaissance du peuple. Quand l'homme aura compris que la division n'est pas constructive, alors seulement, il pourra prétendre à l'épanouissement de son pays. Notre fierté et notre vigueur puisent leur source dans notre cohésion avec l'Armée nationale populaire, partie intégrante du peuple, et dont la mission consacrée par la Constitution est d'œuvrer sans relâche et avec abnégation, pour l'intérêt suprême de l'Algérie à travers la sécurisation et la défense de toutes nos frontières nationales, la protection de l'unité de l'Algérie, de sa souveraineté, de sa sécurité et de sa stabilité dans le cadre des lois de la République. Elle demeure cette entité organique et dynamique incontournable dans la composante de l'Etat algérien. Elle restera le pilier de la défense nationale et le protecteur principal de la nation en temps de paix comme en temps de guerre. Elle doit pouvoir compter sur le soutien de son peuple, pour faire face aux velléités de déstabilisation du pays, à travers les tentatives de rupture de la cohésion des Algériens avec leur armée. Cette armée, constituée d'enfants du peuple, est notre bras séculier. Elle doit être toujours à l'écoute et comprendre les frustrations et les ambitions légitimes des citoyens. Notre peuple et son armée unis dans l'intérêt de notre grand pays doivent se tenir la main, pour de meilleurs lendemains. Un territoire n'est gérable que si les gouvernants du moment jouissent d'un véritable référendum populaire. Or, celui-ci se déroule, sous nos yeux, de façon discontinue depuis le 16 février 2019, amplifié le 22 du même mois ; il a opté non seulement pour les mutations à engager, mais aussi pour le processus de mise en œuvre et sa finalité. La sagesse est de ne pas se suffire de clamer le rôle joué par les Ibn Sina, Al Khawarizmi et autres savants au nez des autres, au détour d'une phrase mais il faut justement apprendre aux générations la sève de cette pensée. Les événements qui ont épaté le monde lui ont donné des raisons de croire à l'édification d'une nouvelle Algérie, en gestation, et dont les interpellations de plus en plus vives de la société connaissent un nouveau souffle, porté par la génération actuelle. Toutes les conditions qui préfigurent l'imminence de la grande rupture sont là. Le nationalisme est un état d'esprit et non une lecture conjoncturelle au gré des instincts figés par le sectarisme primaire. L'emblème national n'est la propriété exclusive de personne, tout comme l'amour de la patrie qui est une revendication constante de tout le peuple algérien. Nul ne peut s'ériger en censeur et s'octroyer le droit de préemption sur l'amour du pays, le bien-être de la patrie, le droit de décider au nom de tous ce qu'il faut pour mériter la reconnaissance de la patrie. Le pays ne saurait retrouver son cours normal de vie, la satisfaction des revendications majeures des générations d'aujourd'hui, que par ses espérances maintes fois contrariées que par la rencontre des intelligences de tous dans un dialogue fécond où chaque élément de la société aura trouvé sa place autour de la fusion entre le référendum populaire hebdomadaire et la Constitution actuelle qu'il faudra de toutes les façons adapter plus tard dans un cadre apaisé. Il est clair que la mission historique de sauvegarde du pays en péril ne peut être menée, au-delà des hommes, des tendances de pouvoir et des velléités de récupération politicienne, que par ceux qui ont à cœur les intérêts suprêmes du peuple algérien. L'Algérie ne doit se référer qu'à elle-même et à son histoire pour se ressourcer en idées et bâtir son avenir. Les médias nationaux ou internationaux à travers leurs divers canaux sociaux inféodés aux différentes politiques de clochers ne sauraient la détourner de sa trajectoire. Face à la désinformation, nous devons cultiver, ensemble, toutes les valeurs que nous avons en partage et qui font notre patrimoine républicain commun. Ne nourrissons pas de stériles inimitiés, de puériles animosités, qui peuvent semer la division et alimenter les rédactions à l'affût de tout sujet susceptible de porter atteinte à la nature du grand mouvement salutaire qui a, jusque-là, rassemblé les Algériens autour de leur destin. Dressons plutôt de solides ponts d'acier et de béton au-dessus des abîmes de nos rivalités, de nos malentendus, de nos dissemblances ou de nos incompréhensions. C'est ainsi que nous pourrons conjurer les périls d'où qu'ils viennent ! On ne revient jamais d'un rendez-vous manqué, alors ne ratons pas ce rendez-vous avec l'Histoire ! Il y a 59 ans, le 19 mars 1962, l'Algérie recouvrait son indépendance, date importante s'il en est une, date qui s'impose, car si la guerre d'Algérie a eu du mal à trouver un nom (on osait employer les termes d'« événements », d'« opérations de pacification » voire d'« opérations de maintien de l'ordre », il n'en reste pas moins qu'il est aujourd'hui impensable de ne pas lui donner une date, et par là même, une indispensable occasion de reconnaissance mémorielle et de commémoration. K. Y.