Eu égard à ce qu'il engendre et du poids de son impact en ces temps particuliers en Algérie, comme dans les pays émergents et les économies en développement, l'informel a fait l'objet d'une étude de la Banque mondiale, assortie de recommandations pour intégrer les opérateurs de l'économie parallèle dans le cercle formel. Qu'on se le dise, l'économie parallèle n'a pas attendu la survenance de la pandémie de coronavirus pour étaler au grand jour tout son poids et son incidence sur l'économie du pays. La conjoncture sanitaire n'a fait qu'enfoncer le clou dans une économie déjà soumise à très rude épreuve bien avant. La toute dernière flopée de mesures imaginées par les autorités du pays pour capter les capitaux de l'informel est édictée à travers le projet de loi de finances complémentaire. Des mesures à mettre en œuvre pour parer à l'explosion attendue des dépenses de fonctionnement, au moment où les sources des recettes budgétaires se tarissent. Il faut savoir, en effet, que dans son projet de loi de finances complémentaire, le gouvernement prévoit une hausse du budget de fonctionnement de plus de 350 milliards de dinars, et de 179 milliards de dinars pour celui de l'équipement. À la fin de l'exercice, le premier atteindra 5 660 milliards de DA, et le second 2 970 milliards de DA, soit un total des dépenses atteignant le pic de 8 640 milliards de DA. Le rétrécissement des ressources plonge le déficit du budget à pas loin de 4 000 milliards de DA. Remédier à cet état intenable a incité l'exécutif à faire preuve d'imagination notamment en sollicitant, à travers des mesures plus attractives que jamais, l'argent de l'économie informelle dans ce que le gouvernement a appelé «le renforcement des opérations de financement et bancarisation monétaire, à travers les incitations accordées à la finance islamique», pour annoncer toute une série de mesures prévoyant des incitations fiscales au titre des produits de la finance dite islamique. Ceci, en proposant plusieurs produits bancaires inspirés de la Charia, afin de développer l'inclusion et, au bout, bancariser les capitaux en circulation dans le circuit informel. Capitaux dont le montant tourne autour de 6 000 milliards de DA, soit pas loin de 35% de la masse monétaire, selon des chiffres avancés en début d'année par le ministre des Finances. «Comment capter les capitaux de l'informel ?» une question qui empoisonne la vie des pays émergents et des économies en développement (EMDE), à l'instar de l'Algérie donc, et qui a fait l'objet, il y a quelques jours, d'une étude de la Banque mondiale qui révèle qu'un tiers de l'activité économique se déroule en dehors du champ de vision des gouvernements. «The Long Shadow of Informality : Challenges and Policies», le titre de l'étude, affirme qu'«un pourcentage remarquablement élevé de travailleurs et d'entreprises opèrent en dehors du champ de vision des gouvernements des pays émergents et des économies en développement. Un défi qui est susceptible de freiner la reprise dans ces économies à moins que les gouvernements n'adoptent un ensemble complet de politiques visant à remédier aux inconvénients du secteur informel, a révélé une nouvelle étude du groupe de la Banque mondiale». L'institution est arrivée au constat selon lequel le secteur informel représente plus de 70% de l'emploi total — et près d'un tiers du PIB — dans les EMDE. Cette «grandeur» diminue la capacité de ces pays à mobiliser les ressources budgétaires nécessaires pour soutenir l'économie en cas de crise, à mener des politiques macroéconomiques efficaces, et à renforcer le capital humain pour le développement à long terme. «Dans les économies à informalité généralisée, les ressources gouvernementales pour lutter contre les récessions profondes et pour soutenir la reprise ultérieure sont plus limitées que dans d'autres économies. Les recettes publiques des EMDE avec une informalité supérieure à la moyenne ont totalisé environ 20% du PIB, soit cinq à 12 points de pourcentage en dessous du niveau des autres EMDE. Les dépenses publiques ont également été inférieures de 10 points de pourcentage du PIB. De même, la capacité des banques centrales à soutenir les économies est limitée par les systèmes financiers sous-développés associés à une informalité généralisée», relève la Banque mondiale dans son étude qui évalue l'informel en pourcentage du PIB dans la région à laquelle l'Algérie est rattachée (Moyen-Orient et en Afrique du Nord) à 22%. À l'attention des dirigeants des pays happés par le poids de l'économie informelle, la Banque mondiale propose cinq recommandations. «Adopter une approche globale — parce que l'informalité reflète un sous-développement généralisé et ne peut être abordée isolément ; deuxièmement, adapter les mesures aux circonstances du pays car les causes de l'informalité varient considérablement ; troisièmement, améliorer l'accès à l'éducation, aux marchés et au financement, afin que les travailleurs et les entreprises du secteur informel deviennent suffisamment productifs pour passer au secteur formel ; quatrièmement, améliorer la gouvernance et le climat des affaires afin que le secteur formel puisse prospérer ; et cinquièmement, rationaliser la réglementation fiscale pour réduire le coût de fonctionnement officiel et augmenter le coût de fonctionnement informel», propose l'institution de Bretton Woods. Azedine Maktour