Sidi Fredj, du nom d'un saint marabout de la région, gardera le souvenir funeste de ce 3 juillet 1830. Dominant le petit port de plaisance, un édifice sous la forme d'une botte des soldats de la France coloniale a été érigé là, afin que nul n'oublie. À tous ceux, morts dans les multiples agressions, un monument leur est dédié, le Maqam Chahid ou mémorial des martyrs (monument du Soldat inconnu). Il a été inauguré fort à propos en juillet 1982 – soit 20 ans après les accords d'Evian et 152 ans d'une nuit coloniale faite de dépossessions, de tueries de masse contre des populations qui ne comprenaient pas tant de haine et de désir de destruction. Le tombeau du Soldat inconnu, en France, se trouve à l'Arc-de-Triomphe depuis 1920, il vient après les tueries à grande échelle de la Première Guerre mondiale. Certes, cela ne rendra pas les morts à la vie, ni ne préviendra une autre guerre tout aussi meurtrière. Le tombeau du Soldat inconnu est l'œuvre d'un particulier français qui a vécu lui-même les affres de la guerre. Cela aurait pu réconcilier le genre humain et l'éloigner de ses instincts malfaisants. Le Maqam Chahid veut nous rappeler combien nos ancêtres ont trimé, vécu sur des braises. À leur corps défendant. Cependant, en quoi emprunter une symbolique à son ancien colonisateur constitue-t-il un blasphème ? Des critiques, empreintes de religiosité, aussi farfelues que « houbel », et des médisances sans fin avaient fusé sur ce qui devrait constituer le joyau d'Alger. Paganisme, pratiques antéislamiques ? Il est paradoxal aussi que la guerre se poursuive avec véhémence et hargne, avec une régularité de métronome chez les déçus de la période coloniale. France24, expulsée, car s'il est facile de jouer au malin, les arrière-pensées et autres calculs finissent par être éventés. Il était grand temps. Liberté d'expression à deux visages. Les mobiles de la chaîne publique ? Nous éclairer sur tout et sur nous-mêmes, mais surtout pas sur l'essentiel. Les Gaulois n'étaient-ils pas venus nous sortir de la misère et de l'analphabétisme ? Dans un pays qui mangeait à sa fin, en 1830, tous les Algériens savaient lire, écrire et compter, « et la plupart des vainqueurs en 1833 avaient moins d'instruction que les vaincus », écrit Thomas Campbell qui souligne qu'en 1835, il y avait plus de cent écoles primaires à Alger, 86 à Constantine, 50 à Tlemcen. Alger et Constantine avaient chacune six à sept collèges secondaires, et l'Algérie était dotée de dix zaouïas (universités). Merci à Mahieddine Khelifa de reprendre ce témoignage précieux. L'Histoire serait-elle un éternel recommencement ? Mais enfin, lâchez-nous ! Interrogé lors d'une visite à Alger, le journaliste français Jean-François Kahn donne une piste sur les attaques, souvent non fondées et parfois aberrantes : les lobbies anti-algériens issus du milieu juif, pieds-noirs. Un fonds de commerce juteux qui plus est procure de la notoriété. Ne dit-on pas que plus le mensonge est gros, plus il a des chances de passer. Une technique bien rodée qui tourne à plein régime de ce côté-ci de la Méditerranée. Plus grave, les officiels français ne s'en émeuvent pas, s'en accommodent parce que cela arrange leurs affaires. Eric Moshé Zemmour, Elizabeth Lévy, et toute une armée du même acabit, s'alignent en ordre de bataille, leur boulot indigne, casser du sucre sur le dos de l'Algérie en tout lieu, à tout moment, jusqu'à nier l'existence d'un pays à l'histoire millénaire. Un fantasme de ceux qui ont la vie dure. Le Soldat inconnu, veille. Ce soldat, c'est la mémoire de tout un peuple prompt à dégainer si l'on abuse de sa générosité. B. T. taouchichetbrahim[email protected]