Les temps sont durs pour les élites maghrébines à l'heure de la restructuration de la carte du monde arabe. Les architectes de ce nouveau découpage, ce sont bien évidemment les administrations américaines successives. Le premier à faire les frais de ce démembrement planifié est le Soudan de Omar El Bechir, le sud en partie chrétien faisant sécession. L'ancien Président soudanais avait-il tout fait (en dehors d'une répression féroce) pour éviter l'éclatement ? En vain. Pis, aujourd'hui, il se retrouve en sursis d'être livré au Tribunal pénal international (TPI) pour un tas d'accusations gravissimes, crimes de guerre dans le Darfour, corruption, etc. La tradition ne veut-elle pas que pour se débarrasser de son chien, on l'accuse de rage. La Libye n'est pas mieux lotie. Depuis plus d'une décennie, les Libyens s'entretuent pour on ne sait quoi au juste et vraisemblablement, l'on s'achemine vers la préservation de l'unité territoriale du pays en jeu, évitant ainsi son éclatement. Au prix d'énormes concessions pour les instigateurs de la guerre civile qui ont mis à bas un régime et à genoux. Sa voisine tunisienne se débat dans une crise politique aggravée par la banqueroute économique et la paupérisation qui s'étend à vitesse grand V. L'absence de ressources propres met la Tunisie de Kaïs Saïed devant des défis dont on ne peut deviner le dénuement. Colonne vertébrale de l'économie, le tourisme s'avère une panacée malgré le dévouement et le professionnalisme d'un personnel admirable. Côté algérien, les menaces de déstabilisation sont à l'ordre du jour et l'inquiétude de rigueur. C'est la réalité. Les nouvelles tensions viennent malheureusement briser un semblant d'entente cordiale entre «frères» que tout devrait rapprocher. Cette nouvelle donne incite à la vigilance et rappelle nos officiels à leurs responsabilités. Mais pour certaines têtes bien pensantes, ce n'est là que de la mégalomanie, de l'alarmiste pour faire diversion. Alors comment diable interpréter le soutien à une dangereuse opération de partition d'une partie du territoire national ? C'est pourquoi il faut voir dans la rupture des relations diplomatiques avec le Makhzen du Maroc, un réflexe d'autodéfense face au pire. Dans la foulée des Accords d'Abraham, concoctés par le sulfureux ex-Président étatsunien, Donald Trump, le Maroc est le premier pays à rompre un modus vivendi à l'échelle du Maghreb. En se jetant dans les bras de l'ennemi traditionnel, l'Etat sioniste, le Maroc du Makhzen bouleverse sciemment les équilibres dans toute la région quant aux incidences induites par l'intrus. Bien sûr, l'Algérie qui a chèrement conquis son indépendance ne peut se plier à un nouvel hégémonisme. Elle l'a fait savoir clairement et récemment aux pays arabes rassemblés au Caire. La tension entre Algérie et Maroc n'est pas artificielle, d'où les risques de dérapage que personne ne souhaite côté algérien. Le Maroc doit solder les griefs retenus contre lui. Dans une pétition, des intellectuels marocains (en majorité) et algériens qui ne portent pas dans leur cœur le régime actuel (c'est leur droit), parue dans un magazine paraissant en France, dont on connaît la haine à l'endroit de l'Algérie et ses accointances avec le Makhzen, appellent à une «désescalade». De quoi être surpris dans le parti pris en faveur de la monarchie de «M6» tandis que le pouvoir algérien est qualifié de militariste, un va-en-guerre ! Ces intellos-signataires occultent allègrement les causes profondes de la crise. L'alliance du Makhzen et de l'Etat sioniste ne porte-t-elle pas en elle-même les ingrédients d'une aggravation des tensions ? Qui pousse à l'irréparable ? Brahim Taouchichet