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Sur les pistes où roulent encore des Patriotes
Publié dans Le Soir d'Algérie le 23 - 09 - 2021

Il m'arrive, quand il ne fait pas trop chaud, de prendre quelques bidons et de me diriger vers la source de Bousbaâ, située au sud des ruines romaines de Madaure dont l'eau, fraîche naturellement et cristalline, attire un grand nombre de personnes. Je préfère y aller aux environs de midi car, à cette heure, il n'y a pas foule, les gens préférant s'y rendre en fin d'après-midi, au moment où la fournaise baisse un peu. Il y a deux sources qui entourent Madaure, toutes les deux datant de l'époque romaine. Celle du nord, située à quelques mètres des restes des Grands Thermes, jouxte la petite route qui va vers Dréa et Ouenza. Elle est surtout utilisée par les habitants du village implanté près des ruines et qui porte aussi le nom de Madaure. Mais, depuis un certain temps, des trafiquants d'eau viennent avec leurs grosses citernes interrompre l'écoulement de l'eau en amont et il n'y a plus qu'un mince filet qui coule, là où c'était carrément un véritable torrent utilisé en aval par des agriculteurs pour leurs potagers. Et puis le liquide s'est carrément arrêté devant le nombre de vendeurs d'eau intervenant sur la conduite. Les gens sont désemparés ! Ils ne savent pas à qui se plaindre. Les autorités ne prêtent pas attention à ce genre de problème et certains habitants de la localité sont venus jusqu'à ma ferme pour me dire de faire quelque chose. Mais quoi ? Jadis, les responsables locaux lisaient la presse écrite et tentaient d'apporter des solutions aux problèmes soulevés dans les journaux. Plus maintenant.
Je prends mes bidons et me rends à l'autre source. L'eau y coule normalement ! Les trafiquants n'ont pas encore trouvé comment agresser l'eau en aval. Leurs camions ne peuvent atteindre la colline qui surplombe la fontaine. Cette eau coule ici depuis près de deux millénaires ! Et à travers les siècles, aucun esprit malveillant, aucun vaurien mû par l'intérêt mercantile, n'a pensé capturer l'eau pour la vendre et priver des populations entières de ce précieux liquide ! L'endroit est magnifique. Située en contrebas du piémont du djebel Boussessou, la fontaine accolée à une épaisse muraille de blocs romains, a un débit appréciable. Le bassin accueille des troupeaux assoiffés et le reste de l'eau va vers un potager et un verger appartenant à la famille Belhouchet. La piste qui la longe monte vers les profondeurs de la forêt de Boussessou. Je connais cette topographie par cœur car c'était le lieu privilégié de nos randonnées enfantines.
J'en suis au dernier bidon quand une camionnette blanche s'arrête devant la source. Un bonhomme costaud, au visage buriné par le rude soleil et les vents rebelles, vient vers moi. Il me connaît. Moi, je ne sais pas qui il peut être. Il se présente : Abdelhamid, Patriote et agriculteur possédant quelques hectares derrière la montagne, dans cette zone semi-désertique que nous appelons El Guebla. L'activité agricole s'y apparente au Loto : on perd de l'argent neuf fois sur dix. On y pratique aussi l'élevage mais les pâturages sont dégarnis et la botte de foin a vu son prix quadrupler. Idem pour l'orge introuvable ! J'ai vu mon vieil ami, Ali Berrezgui, à côté de son famélique troupeau : «Je suis obligé de monter vers des zones plus clémentes. Je loue des champs récemment moissonnés près de Taoura et j'installe ma tente pour y vivre durant l'été... Mais je t'assure que ça ne vaut plus le coup !»
Ali est ce bonhomme dont j'ai raconté les mésaventures ici il y a quelques années. Chassé par la gendarmerie et les terroristes à la fois, il se résolut à prendre son fusil et à vivre reclus dans la forêt. Ali a eu plus de chances que d'autres. Et je pense à ce brave Mohamed Touil dont le souvenir reste vivace dans ma mémoire. C'était un homme et un vrai. Il n'avait pas peur des terroristes et les narguait même en se rendant à leur repaire, une casemate située au milieu de la forêt. Les terroristes venaient chez lui, la nuit, pour le sermonner et lui intimer l'ordre d'arrêter ses visites et ses commentaires publics les dévalorisant. C'est qu'il les traitait, en face, de «t'hahna» (cocus) et incitait les voisins à se révolter contre eux.
Mais les gens avaient peur. Car toute cette zone située derrière la montagne était livrée à elle-même. Certains l'appellent Far West ou «Domaine des Sioux» tant elle ressemble aux parcours de l'Ouest américain avec même une montagne rocheuse typique qui dresse son sommet escarpé au milieu de la désolation générale. Les fermes, isolées, furent totalement à la merci des terroristes qui rançonnent les familles en prenant tout ce dont ils avaient besoin. Mohammed Touil ne se laissait pas faire. Sa ferme est située tout près de la piste qui s'enfonce vers un milieu plus aride encore, parcouru par l'oued Mellegue dont le cours vient d'être stoppé pour donner naissance à un grand barrage construit en prévision du giga-projet phosphatier de Oued Keberit. Je pense que, dès la mise en route de cette usine, tous ces fermiers et leurs enfants abandonneront l'élevage et l'agriculture pour devenir des ouvriers.
Mohammed Touil se rendit un jour à la casemate et prit tout ce qu'il y avait dedans : les couvertures, la bonbonne de gaz, les ustensiles de cuisine, la semoule et toutes les denrées... C'était le coup de trop. Ridiculisés et prenant peur de perdre leur ascendant sur la population, les tangos décidèrent d'en finir avec lui. Il fut égorgé et sa tête exposée, à la faveur de la nuit, sur le lieu du souk hebdomadaire de M'daourouch. Cette nuit-là, j'avais longé l'endroit vers les coups de deux heures du matin avec mon ami Noureddine, revenant d'une soirée entre copains, sans m'apercevoir de rien. Le lendemain, la nouvelle courut comme une traînée de poudre. Un héros est mort pour défendre l'honneur des siens mais aucune école, aucune rue ne portent son nom. Avec la «réconciliation nationale», il n'y aura jamais, nulle part, le nom d'un héros de cette inoubliable bataille de la dignité et de l'honneur !
Abdelhalim le Patriote connaît bien Mohamed. L'évocation de son sacrifice le plonge dans un état de tristesse mais aussi de révolte. Il remplit sa bouteille, boit une gorgée et me dit que le temps des héros est terminé et que sa mission, aujourd'hui, est de surveiller les départs éventuels de feux. Il me raconte tant et tant d'histoires sur la résistance des siens : il y a là de quoi écrire des tas de scénarios sur des faits authentiques, des actes d'héroïsme inimaginables mais qui vont être oubliés peu à peu. La responsabilité historique de ce renoncement appartient à ceux qui ont décidé de faire le silence sur ces épopées dont il ne reste que quelques anecdotes... J'apprends alors à Abdelhalim que Bouteflika est mort. Il me regarde longuement et dit quelques mots que je ne peux pas répéter ici. Les Patriotes, les éléments de la défense civile, les gardes communaux, les rappelés de l'ANP et tous ceux qui sont fiers d'avoir participé à la mère des batailles, tous doivent éprouver le même sentiment d'avoir été trahis.
M. F.


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