L'Irak, bombardé quatrième puissance mondiale, faisait bomber le torse d'un certain Saddam Hussein au faîte de sa puissance, réelle ou supposée. Il y avait de quoi après avoir étouffé toutes les voix discordantes, résultat d'une répression féroce. Et surtout d'avoir fait la guerre durant huit ans à l'Iran chiite de Khomeini. Mais malgré le soutien des pays arabes et la caution américaine, l'Irak en sort très affaibli, en manque crucial de ressources financières, tout gros producteur de pétrole qu'il est. À telle enseigne que le pays (à reconstruire) était au bord de l'asphyxie. Du fait de la guerre contre l'Iran, Saddam Hussein ne tarde pas à afficher des ambitions de puissance régionale et se pose comme leader incontesté des Arabes. Cette politique hégémoniste à l'endroit de ses alliés du Golfe sera suivie d'une haine implacable faisant de lui l'ennemi à abattre. L'occasion leur est donnée à la faveur de l'invasion du petit émirat du Koweït. Les officiels algériens l'avaient fortement dissuadé de se lancer dans une aventure aussi injuste que périlleuse, mais il resta sourd à toutes les mises en garde. Saddam Hussein se fera piéger par l'ambassadrice américaine à Baghdad qui lui laissa croire que son pays ne bougerait pas. Son aveuglement ajouté aux Scud lancés contre l'Arabie Saoudite et l'Etat sioniste signe sa condamnation à mort. L'invasion prendra tout juste deux jours. Deux jours de saccage et de pillage à grande échelle. Les soldats de Saddam s'en donneront à cœur joie. Tout retour en arrière devenait impossible. En dépit d'un mouvement d'opinion en sa faveur, les jours de Saddam Hussein étaient désormais comptés, c'était une question de temps. Nous connaissons tous le film de sa fin. Les Koweïtiens — sauvés par les Américains des griffes de leur bourreau – se rappelleront des condamnations unanimes de l'invasion irakienne, dont celle de l'Algérie. Il serait d'à propos d'évoquer le récent passage à Alger du prince-ministre des Affaires étrangères koweïtien. Celui-ci ne peut ignorer le contexte de crise inhérent à la rupture des relations avec le royaume du Maroc. Les supputations vont bon train quant à une éventuelle médiation entre les « frères maghrébins ». Pourtant, une telle perspective a été balayée d'un revers de la main par le représentant de l'Algérie au dernier sommet de la Ligue arabe au Caire. Celui-ci avait un message fort à faire passer, il l'a fait sans détour, fermement. Il entendait, au su de tous, taper sur les doigts de M6. Le Koweït a cet avantage de ne pas être un soutien inconditionnel du Makhzen. Il a été aux côtés de l'Algérie dans les moments difficiles depuis la lutte de libération. Ce pays ayant connu les affres du déni de justice du fait de l'invasion irakienne ne peut pas fermer les yeux sur un cas similaire vécu dans leur chair : l'invasion marocaine du Sahara Occidental. Alger ne peut indéfiniment refuser une médiation. Au regard de l'accueil au plus haut niveau de l'Etat, c'est là une perspective plausible. Le reste est une question de temps. Dans le même sillage, l'escale du ministre des Affaires étrangères espagnol peut tout aussi participer des mêmes calculs. S'il est question de sécuriser les livraisons de gaz, Madrid sait très bien que cela dépend de la stabilité dans cette partie du Maghreb et qu'elle doit prendre ses distances avec l'expansionnisme du Makhzen. Le gazoduc Nigeria-Niger-Algérie-Europe n'est pas une utopie et l'Espagne a tout à gagner. Brahim Taouchichet