La fin de la pandémie, tout le monde s'y prépare. À commencer par les leaders de l'économie mondiale, dont ceux de l'industrie pétrolière qui, le moins que l'on puisse dire, n'entendent pas abdiquer face à la forte poussée des militants de la transition énergétique mondiale. C'est une vraie campagne que des acteurs majeurs de l'industrie pétrolière mènent depuis quelque temps pour plaider la poursuite de l'exploitation des énergies fossiles en ces temps marqués par la grande offensive des militants de la transition énergétique. La 23e édition du Congrès mondial du pétrole, tenue du 5 au 9 décembre courant à Houston, a constitué une belle aubaine pour les apôtres de la reprise sans réserve de l'industrie du pétrole pour redynamiser l'activité économique mondiale, rudement mise à mal par la crise sanitaire, avec des conséquences qui se chiffrent en centaines de milliards de dollars. À ce titre, l'intervention d'un «poids lourd» tel que le ministre saoudien du Pétrole était très attendue, lui qui, comme beaucoup d'autres acteurs du monde du pétrole, n'a eu de cesse d'appeler «à utiliser le pétrole et le gaz le plus longtemps possible» en avertissant que la transition énergétique ne pourra pas se faire en un claquement de doigts. En fait, depuis plusieurs mois maintenant, au beau milieu de la campagne des anti-énergies fossiles, apparaissent des foyers de résistance menés par les défenseurs du pétrole et du gaz selon lesquels le sous-investissement dans l'industrie du pétrole préparerait le terrain à un grave déficit d'approvisionnement, conséquence d'une offre réduite, donc une hausse des prix à des niveaux tels que cela induirait une inflation mondiale dont personne ne sortira indemne. Si pour le moment, les actions menées par l'Opep+ ont réussi à ramener le marché à une certaine stabilité, il n'en demeure pas moins que, selon de nombreux analystes, le fait que les investissements soient à la traîne par rapport aux niveaux d'avant la pandémie, cela risque de donner lieu à une situation intenable pour les pays consommateurs. Les investissements pétroliers et gaziers en amont doivent atteindre les niveaux d'avant la pandémie, environ 525 milliards de dollars par an jusqu'à la fin de la décennie, afin que l'industrie pétrolière puisse assurer un équilibre entre l'offre et la demande, si l'on doit se fier aux chiffres les plus récents publiés par le Forum international de l'énergie (IEF), basé en Arabie Saoudite, et compilés par le fournisseur de données IHS Markit. Pour cette année qui s'achève, selon les mêmes sources, reprises par une publication américaine spécialisée, les investissements en amont sont toujours déprimés, pour la deuxième année consécutive, et sont estimés à environ 341 milliards de dollars. Un état des lieux qui a fait réagir le secrétaire général de l'Opep, Mohamed Barkindo, comme le rapporte la publication américaine spécialisée dans les questions de l'énergie. En effet, lors du Congrès mondial du pétrole qui a été clôturé jeudi dernier, le SG de l'Opep a averti : «La réduction des investissements dans la production de pétrole et de gaz est malavisée.» Des investissements insuffisants dans de nouveaux approvisionnements en pétrole et en gaz entraîneraient des pénuries d'énergie, ainsi que des déséquilibres du marché et des prix plus élevés, a-t-il poursuivi, allant ainsi dans le sens des propos du ministre saoudien du Pétrole qui, lui, tout en reprochant aux pays occidentaux leur incapacité à diminuer leur consommation d'énergie, a demandé que «reprennent les investissements dans le pétrole et le gaz afin d'éviter l'inflation». Et au même ministre d'exhorter d'«admettre publiquement que le pétrole et le gaz joueront un rôle essentiel et significatif pendant la transition et au-delà» en expliquant que «admettre cette réalité sera bien plus facile que de faire face à l'insécurité énergétique, à l'inflation galopante et aux troubles sociaux lorsque les prix deviennent intolérables et de voir les engagements nets zéro des pays commencer à s'effilocher». Des propos qui confortent ceux tenus il y a quelques mois par Karin Kneissl, la nouvelle patronne du conseil d'administration de la compagnie pétrolière russe Rosneft, lorsqu'elle déclarait : «L'ère du pétrole n'est pas encore terminée», ou encore le patron de la compagnie française Total qui avertissait : «Si on arrête d'investir, le pétrole montera à 100 dollars le baril.» Une conjoncture, en tous les cas, à laquelle tente de s'adapter la compagnie nationale Sonatrach, qui a tellement enduré les affres du désinvestissement, du moins le sous-investissement, avant même l'apparition de la pandémie de Covid-19. La compagnie nationale qui a renoué depuis quelques mois avec un «certain confort financier», comme le qualifiait son P-dg, pour redonner à l'investissement sa place, aussi bien dans l'exploration que la production, à travers le programme quinquennal courant jusqu'en 2025, programme ayant requis une enveloppe globale de 40 milliards de dollars. Entre autres projections, il s'agira de la mise en production de nouveaux gisements dans les régions Sud-Ouest et Sud-Est, ces unités permettront, d'une part, de répondre aux besoins croissants du marché local – qui pourraient atteindre 70 millions de tonnes équivalent pétrole (TEP) à partir de 2024 – et, d'autre part, de maintenir un niveau d'exportation supérieur à 90 millions de TEP par an. Il y a plusieurs mois, le plan établi par Sonatrach avait identifié comme investissement l'exploitation de 18 nouvelles découvertes de gisements et la mise en service d'importants projets et d'infrastructures gazières. Azedine Maktour