Le Temps d'Algérie : Le président Abdelaziz Bouteflika promet qu'une fois reconduit, d'inviter toutes les forces politiques, économiques et sociales à une Conférence nationale et à un enrichissement approfondi de la Constitution. Où, selon vous, réside la révision de la Constitution ? Quels sont les sujets qui doivent être traités dans cette conférence nationale ? Le président de la République avait parlé d'une conférence nationale, qui est une sorte de pré-constituante, et c'est une très bonne initiative. La conférence nationale va permettre de faire une espèce de contrat politique entre les différents acteurs. Ces derniers vont s'entendre pour aller vers une nouvelle Constitution qui pourrait donner la chance à la création d'une deuxième République. Ce genre de conférence nationale a déjà existé dans le continent africain. Le Bénin en a fait l'expérience dans les années 90 et ça a très bien réussi. Deux autres pays africains qui ont connu l'expérience de la conférence nationale, à savoir le Tchad et le Niger, ont moins réussi. Pourquoi ? Les acteurs politiques dans ces deux pays, au lieu de penser à l'intérêt général de la nation, ont pensé beaucoup plus à leurs carrières et aux intérêts personnels. C'est pour cela que quand on réfléchit dans l'intérêt très particulier, on risque de rater la conférence nationale. Parce que le but essentiel d'une conférence nationale est de se concentrer sur l'intérêt général. Et penser à l'intérêt et l'unité de la nation, etc. Si le président de la République désire aller vers une nouvelle République et nouvelle Constitution, cette dernière doit corriger les imperfections de l'actuelle Constitution. Parce que la Constitution de 1996, qui a été modifiée à trois reprises, se répète pratiquement depuis 1963. C'est la même Constitution qui repose sur la prééminence du président de la République. Le président est en haut du sommet, et tout ce qui est politique va vers lui. Toutes les autres institutions sont pratiquement des organes administratifs. Et ça a donné des conséquences néfastes pour l'Algérie. L'une des conséquences néfastes, c'est qu'on n'est pas allé vers la construction d'un Etat-Nation. Nous n'avons fait que renforcer le pouvoir politique, mais on n'a pas construit un Etat national, parce que le vrai Etat national est celui qui repose sur des institutions et sur le droit. Parce' que l'institution en elle-même représente le droit. Elle est une personne morale qui est régie par le droit. Et l'Etat est l'institution par excellence qui doit être régie par le droit. C'est ce qu'on n'a pas dans notre pays. Nos institutions ne fonctionnent plus parce' que ce n'est plus le droit qui les régit, mais les relations personnelles. Donc, nous sommes dans un Etat qui est en voie de construction et qui n'est pas encore arrivé à se construire. On n'a pas un Etat moderne et national. Nous avons un pouvoir politique très fort, qui agit par le biais de relations personnelles avec les autres organes. Et cette situation laisse l'Algérie dans la précarité. Pour cela, il faut envisager un Etat national qui surpasse les intérêts égoïstes des personnes. Car l'Etat est censé représenter l'intérêt général. Que doit-on faire pour avoir cet Etat national ? D'abord, il faut avoir une Constitution qui redistribue le pouvoir. Moi, je préfère dire que l'Etat doit être fondé ou basé sur un équilibre des pouvoirs. Cet équilibre des pouvoirs consiste à redistribuer le pouvoir, et ne pas le laisser concentré au sommet de l'Etat, car si c'est le cas, vous ne construirez jamais un Etat. Vous aurez, par contre, un pouvoir politique très fort, mais non pas un Etat. Parce que l'Etat est un ensemble d'institutions, donc, il faut redistribuer le pouvoir avec les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire. On doit changer le mode d'organisation des pouvoirs, leurs attributions et aussi leurs relations. C'est-à-dire, est-ce que le président de la République peut dissoudre l'APN ou pas ? Est-ce qu'il doit nommer les magistrats ou pas ? Qui doit nommer les magistrats ? Ces prérogatives ont une importance capitale. Donc il faut changer le mode d'organisation du pouvoir et son fonctionnement aussi. C'est à travers ces changements que l'on peut préserver les droits et libertés fondamentaux du citoyen. S. M.