De tout temps, il y a eu de brillants artistes qui ont préféré rester amateurs ou qui n'ont pas eu la chance de devenir célèbres. Comme ces femmes au foyer qui ne chantent que chez elles, beaucoup de chanteurs, dessinateurs ou comédiens passent leur vie dans la discrétion. «Pour vivre heureux, vivons cachés», ce dicton peut être vrai mais peut aussi cacher de talentueux artistes qu'on aurait aimé voir lors de concerts, à la télévision ou au cinéma. Si certains d'eux n'ont jamais couru derrière la célébrité, bien d'autres ont essayé mais n'ont pas réussi pour divers motifs dont la timidité ou le manque de piston. Parmi les artistes ayant refusé de suivre une carrière professionnelle, il y a des enfants de grands artistes tels que Cherif Bencheikh, le fils de l'irremplaçable Hassan Hassani, alias Boubegra. Cherif, qui a toutes les capacités pour prendre la place de son père, a préféré éviter la vie artistique mais n'a pu la déconseiller son propre fils Abdelkader. Ce dernier qui est très doué est aujourd'hui photographe, mais peut à tout moment reprendre les répétitions au cas où il serait appelé à jouer dans une pièce de théâtre aux côtés de professionnels. Tout comme Cherif, Abdelkader a déjà montré ses dons de comédien en jouant des rôles sur la scène de la maison de jeunes de Bouzareah qui porte le nom de son grand-père. Il est très possible que Cherif Bencheikh n' a pas suivi une carrière dans le théâtre sur conseil de son père car le grand comédien nous avait nous-mêmes déconseillé ce domaine «pour éviter de souffrir». La voie du père Dans le même domaine, le neveu de Rachid Ksentini qui, nous rapporte-t-on, sait jouer tous les sketchs et chanter toutes les chansons de son oncle avec brio aurait dû être appelé à jouer le feuilleton biographique du plus grand comique algérien et éviter certains ratages du côté historique et artistique du film. Si le fils de Boubegra, qui aurait pu être parmi les plus grands comiques comme son père, les enfants de Rouiched ont suivi la voie du paternel auquel ils doivent en grande partie leur réussite. C'est aussi le cas de Badis, le fils de l'homme de théâtre Mohamed Tahar Foudhala, et le neveu de Bahi, qui a eu les portes ouvertes aussi bien au théâtre qu'à la télévision, mais qui n'a pu continuer à cause, peut-être, de l'absence de don. D'autres artistes ont prouvé avant lui que le fait d'avoir hérité d'un nom célèbre ne suffit pas pour réussir une grande carrière artistique. Les enfants de chanteurs de chaâbi tels que El Ankis, Koubi et Guerouabi n'ont pas percé malgré toutes les tentatives. Même le fils du pionnier du chaâbi, Hadj M'hamed El Anka n'a pas pu arracher la place qu'il voulait, bien qu'il ait les capacités vocales et les meilleures connaissances acquises auprès du grand maître. Il est étonnant que Mustapha, le fils de Guerouabi n'a pas réussi autant que les neveux de l'interprète d'El Barah. La musique chez soi Karim, le fils de Bestandji, qui aurait choisi de vivre en France, est aussi un bon musicien, mais qui a choisi une autre carrière. Mis à part les enfants d'artistes qui n'ont pas réussi ou qui ont choisi de rester en retrait, il y a bien d'autres qui ont eux-mêmes décidé de pratiquer la musique chez eux ou uniquement au niveau de leur quartier. Alors qu'il avait une vingtaine d'années, Youcef Benamirouche qui fut parmi les plus brillants élèves d'El Anka et jouait au banjo aussi bien que le virtuose Naguib, avait décidé de mettre fin à sa carrière en restant un simple amateur qui ne joue de son instrument préféré que pour son plaisir et celui des enfants de Bouzareah, ce quartier des hauteurs d'Alger. Bouzareah qui a vu naître ou habiter de grands artistes tels que Mohamed Iguerbouchene, Rachid Ksentini, Hassan Hassani, Badreddine Bouroubi et d'autres a vu passer des dizaines de brillants musiciens, chanteurs et comédiens qui sont restés inconnus. C'est le cas de quelques comédiens tels que les défunts Merzak Meflah et Imene, respectivement comédien et virtuose du banjo. Les artistes sont partout Chez la famille Meflah, on retrouve aussi Ali, un brillant dessinateur et musicien qui a toujours refusé une carrière professionnelle mais qui semble vouloir se venger à travers son fils Lamine qui ne tardera pas à faire parler de lui en tant que chanteur de chaâbi. A Blida, Constantine, Tlemcen et toutes les villes d'Algérie, on trouve des artistes qui font vraiment de l'art pour l'art. A Cherchell, rares sont ceux qui savent que le plus ancien herboriste Kamel Djebbour se retire quotidiennement chez lui pour réaliser des bateaux miniatures en bois, pour dessiner des portraits ou des paysages ou écrire des poèmes. Cet artiste et véritable homme de culture n'a jamais eu l'idée de suivre une carrière d'artiste, se consacrant à son herboristerie que lui a léguée son père et qui fait partie de l'histoire de Cherchell. A Djelfa, Laghouat, Médéa et ailleurs, on peut toujours trouver un poète, un musicien ou un dessinateur très doué mais qui pourrait rester éternellement inconnu. Dommage.