Il y a presque unanimité, quant au fait que le Conseil constitutionnel a mis le pays dans une situation inédite. L'impossibilité de tenir un scrutin à la date prévue pour le 04 juillet prochain, était pourtant prévisible. Fallait juste trouver une sortie, entre articles et alinéas, susceptible de sauver les meubles. C'est fait, mais ça ne sauve rien, en fait. Concrètement, le Président intérimaire est assuré d'une rallonge de séjour au palais d'El Mouradia, au-delà du 9 juillet, et c'est lui qui devra «convoquer de nouveau le corps électoral, et parachever le processus électoral jusqu'à l'élection du Président de la République et la prestation du serment constitutionnel», selon la loi fondamentale. Tour de passe-passe, ou passage en force visant un statu quo refroidissant le Hirak ? Mystère et boule de gomme. Dans tous les cas de figure, l'imbroglio juridique se heurte à une mise à jour politique, juridique et même psychologique du pays. Personne ne voulait de ce scrutin pour lequel le peuple, qui marche depuis plus de trois mois, n'était pas préparé. Aujourd'hui, ce peuple qui réclamait et réclame apparemment toujours la tête des deux «B», avalera-t-il la pilule constitutionnelle ? Pas sûr, du moment où le maintien de ce duo concrétise la reconduction des deux «B», et va donc à contre-courant de la protesta du Hirak. De plus, le fantôme du «vide constitutionnel», brandi à tout bout de champ, ne fait plus peur, dès lors que le pays était géré pendant des années par des forces «extraconstitutionnelles», sans que personne n'ait osé lever le petit doigt. Reste juste la peur du lendemain… Le scénario des plus pessimistes craint de voir se réinstaller l'ancien système, comme si de rien n'était, comme si le Hirak n'était qu'un mauvais rêve. L'armée qui dispose de plusieurs casquettes, sans parler des baïonnettes, peut imposer ce scénario catastrophe. Mais, ça ne va pas être possible, maintenant que le monde entier sait l'ambiance bon enfant qui a marqué, de tout son panache pacifique, les marches et les esprits de ces derniers mois. Toutefois, il y a un autre scénario, plus optimiste. Il verrait le très décrié chef de gouvernement actuel, remettre «volontairement» sa démission dans les prochains jours. Ça serait l'hypothèse la plus plausible, en ce moment. Mais, comme à l'accoutumée, il y a un hic : qui pour former une nouvelle équipe capable d'organiser une élection présidentielle, libre et honnête ? Tout ce beau monde est à chercher dans le panier de la société civile, le Hirak entre autres. Ça serait un gage de bonne volonté, et de cette façon, les deux scénarios s'en sortiraient avec une «kherdja» populaire. En effet, avec un gouvernement crédible, tout sera possible, sans trop de discours. Il aura à réviser la loi électorale, assainir le fichier électoral, et par-dessus tout, installer une commission indépendante d'organisation et de surveillance de l'élection. Un long fleuve qui se voudra tranquille, pour prendre son temps et valider en toute conscience, les projections politiques choisies pour une élection aussi importante que la présidentielle. Mais, le contexte politico-social est gagné actuellement par la fébrilité, la hâte, la précipitation, et l'impression de vouloir en finir au plus tôt n'est un secret pour personne. Et, c'est là que réside le problème. Autant donc s'attendre à de longs conciliabules en ces jours de fête, à rallonge…