Les rues de Béjaïa ont renoué hier vendredi avec les grandes foules qui ont marqué le mouvement populaire avant le ramadhan. Ils étaient en effet, des dizaines de milliers de citoyens à venir battre le pavé, en renouvelant leur attachement aux revendications de cette dynamique populaire et en affichant leur détermination pour faire tomber le système. Tenu pour unique responsable de la crise actuelle, le nom du vice-ministre de la Défense nationale fut la cible privilégiée des manifestants. Le coup de semonce est parti d'un carré de jeunes qui scandait «Gaid Salah, agent des Emirats», lequel sera repris par des milliers de voix. Brandies très haut au dessus des carrés, des pancartes à son effigie exigent d'Ahmed Gaid Salah de démissionner. Traité tantôt de chef de la «issaba» et tantôt d'agent des Emirats arabes unis, le vice-ministre de la Défense nationale, est prié de céder le pouvoir aux civils, sans plus tarder, et surtout sans passer par l'intermédiaire des deux «B», allusion faite Noureddine Bedoui, premier ministre et Abdelkader Bensalah, chef d'Etat par intérim depuis la démission de Abdelaziz Bouteflika. Le discours à la Nation prononcé jeudi soir par le chef de l'Etat par intérim, a été carrément ignoré par les manifestants. Les manifestants ont tourné le dos à son appel au dialogue qui est passé totalement inaperçu, tant il est vrai que peuple le lui accorde aucune légitimité en tant que chef d'Etat. En effet depuis le départ forcé de l'ex-Président de la république, la rue ne s'adresse plus qu'au vice-ministre de la Défense nationale qu'elle considère comme l'homme fort du pays. Sentiment partagé également par la classe politique qui l'interpelle souvent sur des décisions que par ailleurs ce dernier assume publiquement. D'aucuns voient dans le discours du chef de l'Etat par intérim la touche du vice-ministre de la Défense nationale, tant l'appel au dialogue prôné par Abdelkader Bensalah épouse les contours du dialogue «inclusif» cher à Ahmed Gaid Salah. Un dialogue qui subordonne tout processus de changement à l'élection d'un président de la république. Face à ces tergiversations, le peuple maintient sa détermination et décline sa feuille de route, la seule depuis le 22 février, qui tient en une seule revendication : départ de tout le système et de ses symboles.