«On le savait». Les Algériens adorent la formule : dire qu'ils savaient, une fois que les choses sont sur la place publique, est un sport national. Ce n'est pas vraiment de sport qu'il s'agit en l'occurrence mais de sa périphérie. Sa périphérie «utile», précisément. La Fédération internationale de football vient d'être secouée par l'un des plus grands et plus spectaculaires scandales de corruption de l'histoire du sport et ce n'est pas fini, puisque ça continue de déballer chaque jour un peu plus. Des pots-de-vin dans l'attribution de l'organisation d'au moins trois éditions de la coupe du monde, en attendant d'autres déballages qui sont quasiment des certitudes : la fédération écossaise qui avoue avoir reçu cinq millions de dollars pour renoncer à déposer plainte suite à son injuste élimination grâce à la fameuse main du français Thierry Henry, des centaines d'autres millions de dollars frauduleusement transférés dans des comptes personnels, un président qui voulait se situer au-dessus de la mêlée, avec quelque arrogance, avant de démissionner parce que ça commençait à sentir le roussi pour lui… Les Algériens, peut-être un peu plus que les autres citoyens du monde, s'en donnent à cœur joie. Ils savaient et ils adorent ça. Le sport, le foot, la corruption, ils peuvent en parler… en connaissance de cause. Il y en a qui savaient et quand ils le clament, enthousiastes, presque heureux, c'est pour dire à leurs compatriotes grincheux que l'enfer, c'est chez les autres : tout n'est finalement pas si pourri que ça à la maison et la preuve nous est venue d'ailleurs. C'est un peu tiré par les cheveux comme argument, pourtant ce n'est pas parce qu'on fait pire ailleurs et à un autre niveau qu'on est clean soi-même. La misère morale des autres ne fait pas de vous un exemple de vertu. Dans le meilleur des cas, c'est la preuve de votre «savoir-faire». Dans le pire, la preuve que votre environnement n'a pas les moyens de vous débusquer. Les moyens politiques, institutionnels et moraux. D'autre part, il y a ceux qui savent et croient aller au fond des choses parce que leur perspicacité est infaillible, ce n'est pas à eux qu'on va la faire, celle-là. Et ils y vont de bon cœur. En posant les questions qu'ils croient les plus imparables. Pourquoi fait-on éclater le scandale de la Fifa maintenant alors qu'on savait depuis toujours que la maison de Zurich était un panier à crabes avec une «profondeur naturelle» et des relais dans toutes les fédérations nationales ? Pourquoi c'est le FBI qui fait le boulot dans un pays lointain et souverain ? Pourquoi on a choisi une conjoncture électorale pour le grand déballage ? Et puis ces réponses aux relents de sentences dans lesquelles les Algériens rejoignent la foule même si on n'y voit pas vraiment l'intérêt. Ainsi, les Américains auraient mobilisé leur police fédérale parce qu'ils verraient d'un mauvais œil une coupe du monde en terre russe à un moment fort de… guerre froide revenue. On aurait aussi actionné la machine parce que «l'occident» ne peut pas avaler l'idée d'une coupe du monde dans un pays «arabo-musulman». Il serait enfin question d'installer un «Français» à la tête de la Fifa, Michel Platini en l'occurrence. Il y a enfin ceux qui «savaient» et retournent la donne : tous pourris dans ce milieu et la seule différence réside dans le fait qu'ailleurs, il est possible que ça se… sache. Et pas que. Slimane Laouari