Ramadhan, on ne savait pas si c'était pour aujourd'hui ou pour demain, mais on avait quand même arrêté la nuit du doute. Le doute était donc la seule… certitude dont nous disposions avant d'entamer un mois de ferveur spirituelle et de générosité. Normal, on doutait déjà de trop de choses pour que cela n'occupe une place de choix dans l'actualité des jours d'avant. A tout seigneur tout honneur, le doute s'était considérablement démocratisé ces derniers temps avec le pain. La baguette, c'est pour tout le monde et il est encore heureux que personne ne soit épargné par l'angoisse de sa disponibilité et surtout de son prix. En l'occurrence, Ramadhan en été, ça ne pouvait pas mieux tomber pour les boulangers pour préparer leurs chroniques jérémiades. Ils ont demandé des tarifs spéciaux pour l'électricité, des exonérations d'impôts et bien sûr un peu plus de souplesse pour la farine revendue sous le manteau ou détournée vers d'autres activités plus rentables et moins subventionnées. Douté aussi de la viande. Sa consommation ne s'est pas démocratisée comme le pain, mais, piètre consolation, tout le monde peut en parler. Et on a parlé de la viande. Bien longtemps avant que ramadhan ne commence à pointer du nez. C'est que question jarret, on est très prévoyant. On est presque dans la stratégie à long terme, voire carrément dans la prospective. L'année passée, quelques semaines avant l'arrivée du sacré mois, on nous avait dit que c'en était fini du doute – de la viande, pas de la nuit – pour que pratiquement après l'Aïd, on se porte à l'assaut d'autres marchés. Revoilà l'Argentine parce qu'il n'y avait manifestement aucune raison d'abandonner un partenaire après des années sans heurt. En plus, c'est un pays qui joue bien au foot. C'est précisément grâce au foot que nous avons eu le bonheur de découvrir le Soudan. Ce pays nous embête un peu d'être le plus vaste d'Afrique, juste après l'Algérie, mais on pardonne tout au Soudan, parce que paraît-il, il nous a aidés à nous qualifier à la coupe du monde. On allait lui renvoyer l'ascenseur en achetant ses moutons garantis hallal quand l'Inde, pays émergent, s'en est mêlé. Plus de doute, c'est le pays de Gandhi et de la vache-Dieu qui alimentera la chorba. Doute par contre sur sa qualité et sa conformité religieuse. Mais à 410 dinars le kilo de jarret et 500 celui du faux filet, il n'y a pas photo. A l'heure de la rédaction de ces lignes, on ne savait pas encore si c'est pour aujourd'hui ou demain, mais on savait quand même que le doute était permis. Et pas seulement sur le pain et la viande. Cet e-mail est protégé contre les robots collecteurs de mails, votre navigateur doit accepter le Javascript pour le voir