Dès sa nomination, il est sorti de la réserve qu'on lui connaissait pour secouer le cocotier Animé d'une verve inhabituelle, le nouveau Premier ministre met le pied à l'accélérateur et imprime au pays un rythme effréné. Contrairement aux usages, cette année, la rentrée politique a eu lieu avant le début de la saison estivale. Abdelmadjid Tebboune, qui a décidé de passer ses vacances au bureau au lieu d'aller à la plage, est en train de bousculer son monde et d'inverser l'ordre des priorités. Dès sa nomination, il est sorti de la réserve qu'on lui connaissait pour secouer le cocotier. jusqu'à faire tomber ses fruits par régimes entiers. Sans prendre le temps de bien s'installer dans son fauteuil, voilà qu'il s'attaque à deux dossiers explosifs: le foncier industriel et agricole, deux terrains où, comme dans d'autres pays, les vaches des maffias aiment brouter. Ces assiettes garnies suivant des recettes mystérieuses sont actuellement revisitées par de nouveaux cuistots pour être resservies à une autre clientèle qui saura peut-être mieux les apprécier. On se croirait revenus à 1962 et à la période de feu Houari Boumediene lorsque l'Etat avait décidé d'octroyer «la terre à ceux qui la travaillent» et non à ceux qui l'utilisent pour spéculer. En parallèle, le Premier ministre mène une charge politique à vive allure pour détricoter, avec de gros ciseaux, les réseaux aux mailles serrées qui ont prospéré grâce aux largesses du passé. Le premier à boire la tasse est Abdessalem Bouchouareb que la vox populi bruissait pourtant de son inéluctable accession aux commandes de l'Exécutif. Comme quoi, il ne faut jamais croire les rumeurs puisque les décisions prises par Tebboune, loin de lui rendre hommage, accusent de façon subliminale l'ex-ministre de l'Industrie d'être le principal responsable du marasme économique dans lequel le pays patauge en période de crise. Ce brusque et tonitruant uppercut monte, cela dit, plus haut. Il vise en fait Sellal qui apparaît maintenant aux yeux de l'opinion moins benêt et moins drôle qu'il ne le laissait paraître devant les caméras. Mû par une étrange verve, l'inénarrable, Abdelmadjid Tebboune a fait vaciller ensuite, d'une humiliante pichenette, un solide empire en béton. Il a ainsi déboulonné la statue de l'intouchable patron des patrons, Ali Haddad, et atteint, par ricochet, un autre lièvre en la personne de Abdelmadjid Sidi Saïd, l'inamovible secrétaire général de l'Ugta. Les deux hommes qui, probablement irritent le plus les Algériens, ont été sévèrement blessés sans trouver personne pour pleurer leur sort. Bien au contraire, la tacle que leur a administré le Premier ministre, dont le nombre des supporters ne cesse de grandir, a été applaudie comme une contre-offensive de l'Equipe nationale contre celle de l'Allemagne au Mondial de 1982. Car il ne fait aucun doute que le style du Premier ministre plaît, pour le moment, aux Algériens. Et en les invitant à s'installer autour du ring pour suivre en direct le combat de boxe qu'il mène contre ceux qu'ils considèrent comme des privilégiés, il est en train de marquer des points décisifs pour les matchs suivants. Le feuilleton de l'été ne fait, cela dit, que commencer. Il faut donc s'attendre à de nouveaux rebondissements dans cette intrigue à suspense. Surtout que Tebboune semble avoir reçu carte blanche du scénariste en chef, Abdelaziz Bouteflika, pour mettre K.-O. les concurrents habitués à toujours gagner les concours sur tapis vert, grâce à la complaisance des arbitres. Car la situation du pays n'admet plus les temps morts, les faux raccords, le cabotinage et les piètres interprétations devant les caméras. Il faut un nouveau casting avec des acteurs talentueux et crédibles pour que l'Histoire ne fasse plus bâiller les spectateurs et provoquer la colère des critiques. Le locataire du palais docteur Sâadane semble pour l'instant bien camper le rôle. Son jeu a apporté de la fraîcheur en période de canicule et de feux de forêts. Il est le premier Premier ministre à réussir l'exploit d'intéresser les citoyens aux réunions du Conseil des ministres et d'atteindre cette cote de popularité. Une performance qui a parfois fait de l'ombre aux insipides séries télévisuelles du Ramadhan.