Rachid Oulebsir est l'un des militants de la cause berbère qui n'ont jamais changé de ton ou de convictions. Il apprécie les choses à leur juste valeur quand elles sont positives et ne se retient pas pour vider son sac quand elles vont mal. Il est à présent parmi les rares militants qui continuent à dénoncer publiquement les insuffisances quant à la cause berbère et à réclamer davantage d'acquis. Il ne le fait pas à partir de chez lui, mais depuis les villes et villages qu'il continue à sillonner à longueur d'année. Le militantisme pour lui, est d'abord fait de sacrifices. Dans cet entretien il aborde les avancées qu'a connues la cause amazighe et donne son avis sur d'autres questions. L'Expression: Le 38e anniversaire du Printemps berbère interviendra demain. Comment jugez-vous le contexte dans lequel il intervient cette année? Rachid Oulebsir: C'est un contexte particulier, marqué par beaucoup de changements et de nouveautés positifs pour la question de tamazight. Après la reconnaissance de tamazight en tant que langue nationale et officielle, c'est Yennayer qui retrouve sa place. Il est désormais fête nationale au même titre que les autres dates. Ces acquis ne sont toutefois pas synonymes de satisfaction totale pour tous les acteurs du combat pour tamazight. Car, le combat est loin d'être fini, d'autant plus que des objectifs tels que le choix du caractère avec lequel tamazight doit être écrit, la généralisation de l'enseignement de tamazight et la normalisation de cette dernière ne sont pas encore acquis. Vous aimez préciser à chaque fois que le 20 avril n'a pas été initié uniquement pour revendiquer la reconnaissance de la langue et la culture amazighes, mais aussi pour revendiquer plus de libertés et plus de droits. Qu'en est-il par rapport à d'autres objectifs? Les objectifs politiques du combat du 20 avril ne sont jamais atteints. Les libertés ne sont pas toutes garanties. La répression est toujours de mise. Nous l'avons vécue quant à l'interdiction des cafés littéraires à Béjaïa, nous l'avons vécue aussi quant à la répression des marches des enseignants...,etc. Les objectifs politiques du 20 avril ne peuvent pas être atteints, tant que la nature du régime n'a pas été changée depuis l'indépendance. Cela étant, de nouvelles formes de lutte et de combat existent toujours pour atteindre les objectifs restants. Vous avez indiqué ci-dessus que le combat pour tamazight n'est pas encore fini. Est-ce qu'il doit être mené par tous les Algériens? Pour répondre à votre question, je dirai il est tout à fait clair que le combat doit être mené par tous les Algériens. Ils ne sont peut-être pas prêts pour le faire maintenant en tamazight, mais ils peuvent le faire en usant du caractère arabe ou dans la langue arabe. Justement, la question du caractère avec lequel tamazight doit être écrit est le problème qui divise à présent. Qu'avez-vous à dire à ceux qui rejettent le caractère latin? Le caractère latin n'est pas un caractère français, il est universel. Cela doit être saisi une bonne fois pour toutes. Les écrits de tamazight avec ce caractère existent depuis plus d'un siècle. Cela étant, les autres sont libres d'écrire tamazight dans le caractère qui leur plaît. Toutefois, nous refusons que quiconque nous impose le caractère arabe. La création de l'académie pour tamazight est, selon le gouvernement, imminente. Quelle est votre conception de cette institution? Ma conception pour l'académie de tamazight est différente. L'académie ne doit pas être une institution qui sera gérée par une seule personne. L'académie doit être une sorte de conseil scientifique où les décisions se prennent de façon collégiale. Les membres de cette académie doivent être issus des quatre départements pour la langue et culture amazighes existant jusque-là. Je privilégie cette voie, car les missions de cette académie sont très importantes. Il s'agit d'une feuille de route pour tamazight. Ladite feuille doit être parfaite. Pour qu'elle le soit justement, la concertation est la meilleure solution. Nous avons dans la révolution algérienne, le meilleur exemple. Celle- là n'a pas été l'oeuvre d'un seul commandant. Quant à l'idée d'une académie-institution qui sera gérée par une seule personne, celle-ci pourrait avoir lieu plus tard. Quels sont, selon vous, les critères devant être réunis dans le futur président de l'académie, qui doit être désigné? Le premier critère est que cette personne-là ne doit pas être politicienne. Le second critère est qu'elle doit être scientifique avérée ayant publié de nombreux ouvrages et publications. Le troisième critère est qu'elle doit être polyglotte.