Composé en dépit de la contestation populaire, le gouvernement Bedoui est censé gérer les «affaires courantes», au moment où le Hirak poursuit son parcours du combattant à travers le pays. Mais les sorties sur le terrain de ministres, nombreux à être conspués, deviennent suffisamment hasardeuses pour qu'il soit permis de s'interroger sur la pérennité de l'Exécutif actuel dont les manifestants du vendredi n'ont jamais cessé de dire qu'il «doit partir». Pas plus tard que samedi dernier, c'est le ministre de l'Intérieur, Salah-Eddine Dahmoune qui a fait les frais de la colère des citoyens, à Béchar, ville-garnison où le poids des enjeux politiques peut devenir crucial. Le lendemain, c'était au tour du ministre de l'Energie d'être bloqué à l'aéroport de Tébessa, pendant plusieurs heures, avant d'être exfiltré, confirmant ainsi le côté aléatoire de l'exercice gouvernemental dans de telles conditions. Idem pour d'autres membres de l'équipe Bedoui (comme le ministre des TP et des Transports à Aïn Naâdja), alors que le Premier ministre observe un silence attentiste tandis qu'une question lancinante assombrit l'agenda de l'élection présidentielle, hâtivement convoquée pour le 4 juillet prochain. Ce pari paraît perdu d'avance, compte tenu de plusieurs facteurs contraignants et de certains impondérables: le fait est que la grande majorité des manifestants a moins de 30 ans et ne connaît presque rien des urnes! Auquel cas, ils auront beau jeu de crier au scandale, si l'on persiste dans la voie déjà tracée, et de récuser aussi bien les instances actuelles que futures, partant du principe que leurs voix «ont été occultées». Jusqu'à vendredi passé, la contestation paraissait bon enfant et tout se déroulait dans une ambiance festive qui a surpris, ici et là-bas. Mais voilà que les premiers signes de violence sont apparus, d'un côté comme de l'autre, avec leur cortège de mauvais augure quant au risque de dérapage, lors des prochains rendez-vous. Or, il faut préserver le mouvement de ses mauvais démons, en évitant le genre de provocation observée récemment. La plupart des jeunes descendus dans la rue sont ou universitaires ou lycéens. Autant dire qu'on peut difficilement leur faire avaler n'importe quelle couleuvre ou leur faire prendre des vessies pour des lanternes. La seule et unique carte à jouer est celle de la transparence et du strict respect de la volonté populaire car le pouvoir légitime ne peut et ne doit être que l'émanation de cette volonté sacrée.