Les grandes affaires qui débordaient sur la place publique finissaient par des mises à la retraite, à l'image de celle qui a touché Khaled Nezzar en 1993 ou encore le départ «programmé» du défunt général Mohamed Lamari en 2004. Les Algériens ont assisté, hier, à travers leurs écrans de télévision à la fin «symbolique» d'un régime, personnalisé par les trois personnages qui en avaient été le noyau dur. Ce sont Saïd, Toufik et Tartag. La gravité des chefs d'inculpation retenus contre les deux généraux et le conseiller présidentiel n'a pas d'égal dans l'histoire du pays à ce niveau de responsabilité. L'Algérie est déjà passée par plusieurs «séismes». Il y a eu un coup d'Etat en 1965, un virage politico-idéologique en 1978, une révolte populaire réprimée dans le sang en 1988, un arrêt brutal du processus électoral, alourdi par la démission d'un président en 1992 et un mandat présidentiel écourté en 1998. Durant toutes ces étapes, le système a été traversé par des soubresauts plus ou moins importants. L'on a même enregistré une tentative de coup d'Etat et des assassinats politiques. Mais l'onde de choc semblait maîtrisable par les tenants du pouvoir. L'arrivée de Boumediene à la tête de l'Etat a certes coûté leur postes à pas mal d' «anciens», mais les mésententes n'ont pas franchi le portail d'El Mouradia. Il y a eu cependant l'arrestation et le procès très médiatique de l'ancien secrétaire général du ministère de la Défense. Le général Beloucif, qui, disait-on, avait fait les frais d'un séisme dans le sérail, aura été le seul fait qui a retenu l'attention des Algériens. Sinon, les «luttes» et leurs «conséquences» étaient le fait de cercles d'initiés. Les grandes affaires qui débordaient sur la place publique finissaient par des mises à la retraite, à l'image de celle qui a touché Khaled Nezzar en 1993 ou encore le départ «programmé» du défunt général Mohamed Lamari en 2004. Ces deux «événements» avaient été commentés en leur temps, mais l'effet n'aura pas duré longtemps. Le système a su retrouver son équilibre et les Algériens ne s'étaient pas formalisés, «pour si peu». Dans cette alternance interne au sein d'un régime, il faut bien le dire, opaque et dont les codes paraissent difficiles à appréhender, l'ère Bouteflika aura été la plus chargée de «couacs», sans doute parce qu'elle a été la plus longue. Outre le départ de Mohamed Lamari, l'institution militaire, dont la stabilité n'a jamais été remise en cause, avec notamment Ahmed Gaïd Salah à sa tête, a connu des «réaménagements» apportés par le président Bouteflika, ministre de la Défense et chef suprême des armées. Passée sous l'autorité d'un chef civil, l'ANP, dont la symbiose avec le système n'est pas à démontrer, s'est tenue très éloignée du champ politique, mais il y a eu des personnalités en son sein qui ont pris part à des opérations politiques, et ont pris quelques influences dans le sérail. Dans le lot, on retiendra quelques «sorties de route» publiques ou dans «l'intimité» de certains salons qui ont amené la justice militaire à agir. L'affaire du général Belhadid qui a fait plusieurs mois de prison pour des accusations qu'il a proférées à l'endroit de Saïd Bouteflika, en témoigne. Il y a eu également l'arrestation puis la relaxe de cinq généraux, dont quatre ex-chefs de Régions militaires. L'épisode aura fait long feu, en ce sens qu'il avait suivi un «séisme» majeur qui a consisté en la mise à la retraite du général de corps d'armée Mohamed Mediene, alias Toufik. La mise à l'écart de Toufik a été commenté plusieurs années et est revenue au-devant de la scène à la faveur du mouvement populaire qui a clairement demandé sa tête. L'épilogue du énième virage du système, peut être le dernier, aura été, de loin le plus spectaculaire en 56 ans d'existence. D'autant plus qu'un conseiller de l'ancien président est tombé en même temps. De mémoire d'Algérien, c'est bien la première fois que l'on est amené à voir en direct et en temps réel un séisme majeur au sein du système.