Beaucoup d'Algériens n'apprécieront certainement pas cette passe d'armes La prise de bec qui met en «vedette» deux «bavards» du Hirak peut malheureusement rendre un très mauvais service à ce dernier. Rien de va plus entre Abderrezak Makri et Karim Tabbou. Le premier a accusé le second de servir un agenda français, en travaillant à empêcher toute solution à la crise institutionnelle que vit le pays. La réplique est aussi cinglante que l'accusation. Entre les deux hommes, considérés, chacun pour le courant idéologique qu'il représente, comme deux animateurs de premier plan du mouvement populaire, pour leurs nombreuses interventions sur les réseaux sociaux, dont l'impact est visible dans les marches d'Alger et d'ailleurs, il n'y a, pour ainsi dire, aucune possibilité de dialogue. En mettant sur la place publique, les graves accusations qu'ils se sont lancées, Karim Tabbou comme Abderrezak Makri ouvrent une page détestable du mouvement citoyen, puisqu'il y est question de récupération politicienne d'une dynamique purement populaire, née très loin des dissensions idéologiques. Les échanges, pour le moins blessants d'un côté comme de l'autre côté, montrent si besoin est que le peuple, ses aspirations à la démocratie et le nécessaire rassemblement des forces plurielles, ne sont que de vains mots dans la bouche de politiciens, dont l'objectif n'est pas d'accompagner les Algériens dans leur lutte pour une nouvelle République, mais de s'en servir comme un véhicule pour accéder au pouvoir. Il suffit de rappeler que les deux responsables politiques ont été les artisans des accords de Zéralda I et II. Ils se sont donc assis à la même table, alors que l'un soupçonnait l'autre de «fricoter» avec des puissances étrangères et faisait, lui-même, objet de suspicion de connivence avec le système. Beaucoup d'Algériens qui suivent leurs apparitions dans les meetings et les réseaux sociaux n'apprécieront certainement pas cette passe d'armes et parmi eux, il y en aura qui prendront fait et cause pour l'un ou l'autre des hommes politiques. Il faut dire que les accusations proférées des deux côtés sont assez graves pour susciter un sérieux clivage au sein du mouvement populaire. On ne peut, effectivement, pas soutenir une dynamique et travailler pour l'internationaliser ou la pousser dans les bras du système. Ces contradictions qui iront au-delà des deux personnages, atteindront d'autres animateurs du mouvement populaire, proche des thèses défendues par Makri ou Tabbou. Dans ce sens, les Bouchachi, Djillali Soufiane et autres risquent des «attaques» en règle des pro-Makri, comme ces derniers feront les frais de critiques du camp adverse. La prise de bec qui met en «vedette» deux «bavards» du Hirak peut malheureusement rendre un très mauvais service à ce dernier et provoquer, à terme, son implosion, si entre- temps, une issue consensuelle et soutenue par le peuple ne se soit pas dégagée. Pour l'heure, et au moment où l'échec de la présidentielle du 4 juillet prochain est officiellement actée, il semble que l'option d'un dialogue entre les animateurs du mouvement citoyen ait pris un sérieux coup.