Comme par hasard, deux jours avant la tenue de la Conférence de Berlin II sur la Libye, et tandis que les dirigeants libyens issus du Forum de dialogue politique parrainé par les Nations unies se félicitaient de la réouverture de la route côtière entre Tripoli et Tobrouk, via Misrata, Syrte et Benghazi, des «informations» ont fait état d'un mouvement des milices du maréchal Khalifa Haftar depuis leur poste de Issine vers la ville de Ghar, frontalière du poste algérien de Tin El Koum, dans la wilaya de Djanet. Source de ces envolées presque lyriques, des images d'archives qui datent des opérations de l'armée nationale libyenne autoproclamée dont Haftar se veut le ministre de la Défense exclusif, lorsque ces milices composées de mercenaires de diverses nationalités avaient investi le sud de la Libye, partant de Derna pour rejoindre la zone ouest du pays. Elle s'était heurtée, d'ailleurs, à une vive opposition des groupes touareg et du contingent de rebelles tchadiens, très actifs dans cette région. Haftar a-t-il voulu adresser un message à la Conférence de Berlin, partant du fait que les évènements de ces derniers mois ont largement obscurci sa présence? On sait que l'une de ses principales revendications concerne ou le poste de président de la Libye ou, à tout le moins, celui de ministre de la Défense, des ambitions qui confortent ses certitudes à l'égard de la solution politique à laquelle il ne croit guère, comme le démontre son offensive contre Tripoli, le 4 avril 2019, avec les conséquences que l'on connaît. Soutenu à bout de bras par les Emirats et l'Egypte, ainsi que par certaines grandes puissances, le maréchal a failli aux portes de Tripoli, face à un corps expéditionnaire turc venu en renfort des milices de Misrata, Zintan et Zawiya qui constituent les forces loyales de l'ancien gouvernement d'union national reconnu par les Nations unies. Les récents développements (mise en place d'un nouveau Conseil présidentiel, un nouveau GNA aux prérogatives réellement nationales, un comité militaire mixte 5+5 artisan d'un cessez-le-feu durable et d'une avancée vers la tenue des élections générales du 24 décembre prochain décidées par le Forum de Dialogue Politique interlibyen à Tunis, fin 2020...) ont, sans doute, sonné le glas des ambitions du vieux maréchal mais, surtout, ils ont alarmé les pays qui le soutiennent. Ceux-ci voient d'un mauvais oeil les initiatives de l'Algérie tant au plan diplomatique que politique et économique, notamment la récente révélation du président Abdelmadjid Tebboune sur «la ligne rouge» que représentait Tripoli sous la menace des mercenaires de Haftar. Qu'il y ait une volonté de semer le trouble ou de laisser croire à un danger qui plane sur notre frontière pour dissuader les démarches en cours, validées lors des multiples entretiens entre les dirigeants des deux pays, cela est évident. Mais croire que Haftar et ses milices ont les moyens de constituer un quelconque péril pour la frontière algérienne du côté de Djanet, c'est une surenchère quasiment puérile à laquelle Haftar lui-même aimerait croire, s'il n'y avait la réalité du terrain. L'Algérie a toujours pris soin, dans le cadre de la médiation onusienne et de l'action conjuguée des pays voisins sous l'égide du Haut Comité de l'Union africaine, de soutenir et d'encourager un dialogue inclusif entre toutes les parties libyennes sans distinction. Haftar a eu, ainsi, à rencontrer, nombre de fois, le chef de la diplomatie algérienne en vue de parvenir à une solution politique tributaire de la volonté et de la souveraineté des Libyens et d'eux seuls, sans aucune ingérence étrangère. Cette constante est aujourd'hui à l'oeuvre, en témoignent les avancées spectaculaires, depuis octobre 2020, au bénéfice de la paix, de la sécurité et de la souveraineté effective du peuple frère.