Les directives du président de la République sont on ne peut plus claires au plan géostratégique. Sur le double plan mondial et africain, le chef de l'Etat entend construire une présence algérienne, d'abord à équidistance des «maîtres du monde» du moment, tout en conservant un leadership africain à même de permettre au pays de peser sur les décisions stratégiques à plusieurs niveaux d'intervention. «Il faut renforcer nos relations avec la Russie, les Etats-Unis et la Chine», a ordonné Abdelmadjid Tebboune. Cette instruction suppose donc un déploiement très proche du fonctionnement traditionnel de la diplomatie algérienne. En effet, tout le long des 59 années d'indépendance, l'Algérie a su se positionner idéalement entre les deux grands blocs qui, du temps de la Guerre froide, entre 1945 et 1989, imposaient un équilibre précaire dans les relations internationales. Cette posture qui a permis à l'Algérie de prendre la tête avec quelques autres nations du Mouvement des pays non alignés, lui a valu une respectabilité des deux blocs et favorisé son action diplomatique en faveur de la libération de nombreux pays africains. La promotion à l'ONU de la question palestinienne a été rendue possible grâce au non-alignement. Le président Tebboune entend donc donner une suite à cette vision des choses. Il va de soi que la Chine qui passe pour la future puissance dominante avec les Etats-Unis n'a pas été citée fortuitement par le président de la République. Même si les liens entre l'Algérie et ce pays sont exemplaires à tout point de vue, il n'est visiblement pas question, pour le chef de l'Etat, d'en faire un partenaire unique. La Russie et les Etats-Unis demeureront donc dans l'approche du premier responsable de la diplomatie algérienne, des pays-partenaires stratégiques. Ainsi, sur la projection à l'international, l'Algérie continuera à s'en tenir à son non-alignement en y mettant, néanmoins, plus d'économie dans le contenu du partenariat. Avec ces trois pays, force est de constater que la coopération est encore loin de figurer parmi les exemples à suivre. La Chine est certes, sur les starting-blocks sur pas mal de projets, dont la mine de Ghar Djebilet et le Port Centre, mais il manque la concrétisation de ces projets. On retient quelques beaux exemples du partenariat algéro-américain, dont l'usine de production de turbine qui a réalisé récemment un projet d'exportation. Avec la Russie, la coopération est stratégique en raison de sa dimension militaire, mais rien de sérieux ne suit sur le flanc économique. Il s'agira donc de construire des ponts plus solides pour fructifier le non-alignement de l'Algérie. Il reste que l'instruction du président Tebboune suppose une volonté de conserver la souveraineté de la décision politique à l'international. La Chine, la Russie et les Etats-Unis, qui ne cachent d'ailleurs pas, leur intérêt pour l'Afrique, prochain bassin de croissance économique auront besoin de pays-locomotive pour leur faciliter l'accès aux marchés africains et les accompagner dans leurs investissements. Il serait prétentieux d'avancer le fait que l'Algérie coche toutes les cases pour être ce pays-là, mais il est entendu que son positionnement géostratégique l'aide fortement. Grâce à son ancrage non aligné et son rôle naturel de leader au sein du continent noir, elle peut construire un axe solide, susceptible de donner du sens à une Afrique économique qui saura défendre ses intérêts. Il faut, pour ce faire, «travailler en étroite relation avec l'Afrique du Sud et le Nigeria», insiste le président de la République. L'axe Alger-Abuja-Pretoria que l'Algérie tente d'installer depuis plus d'une décennie via le Nepad a déjà à son actif plusieurs idées et projets non encore réalisés, comme le gazoduc transsaharien. Mais il compte également la route de l'unité africaine. Le chef de l'Etat retient que le Nigeria et l'Afrique du Sud «sont des pays amis dont les relations sont très profondes» et confirme que le salut de l'Afrique et le rayonnement de l'Algérie sont conditionnés par la réalisation de cet axe stratégique, associé à des relations sûres et stables avec les deux pôles dominants qui se disputent le contrôle de la planète.