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«La société civile s'est réappropriée la mémoire»
Karim Amellal, ambassadeur, délégué interministériel à la Méditerranée, à L'Expression
Publié dans L'Expression le 13 - 04 - 2022

L'Expression: Si on vous demandait de retracer l'évolution du discours politique officiel et médiatique français (les différents gouvernements et présidents depuis 1962) sur la question mémorielle, comment l'auriez-vous apprécié?
Karim Amellal: L'évolution a été lente. Après 62, les questions de mémoire n'étaient pas d'actualité. De Gaulle voulait établir des relations économiques et ne surtout pas revenir sur ce passé douloureux. Pompidou et Giscard non plus. Durant ces décennies, notamment à travers les lois d'amnistie mises en place, les dirigeants français ont voulu oublier. Il en a résulté ce que Stora appelle une longue «chaîne d'amnésie». En 1981, on aurait pu croire que l'arrivée de la gauche (avec les communistes) allait changer le cours des choses, mais pas vraiment. Mitterrand, peut-être du fait de son passé algérien, n'a pas foncièrement changé la donne. On parle encore, dans les années 80, des «événements d'Algérie».
C'est avec Jacques Chirac qu'on franchit un cap. Il avait une sensibilité mémorielle forte, comme il l'a démontré dès 1995 avec ce discours très fort, de rupture, prononcé au Vélodrome d'hiver où il a reconnu la responsabilité de la France dans la déportation des juifs. L'histoire s'accélère dans les années 2000, avec la reconnaissance de la «guerre d'Algérie», enfin nommée, puis l'hommage rendu par le président Chirac aux soldats morts pour la France en Algérie, et aux harkis. Lors de sa visite en Algérie en 2003, mémorable, il lance avec son homologue algérien Bouteflika l'idée d'un traité d'amitié entre la France et l'Algérie, pour ouvrir une nouvelle page. Mais ce bel élan est ralenti en 2005, lorsqu'une loi a reconnu les «bienfaits de la colonisation». Le bilan de la présidence Sarkozy est contrasté: d'un côté le président français se montre très hostile à la «repentance», de l'autre des gestes sont faits, comme la restitution du plan des mines posées pendant la guerre d'Algérie. Hollande a poursuivi dans la voie de la reconnaissance, d'abord au sujet des massacres du 17 octobre 1961, puis devant l'Assemblée nationale algérienne au sujet de la colonisation, dont il a dénoncé le «système profondément injuste et brutal».
Le président Macron a, quant à lui, et pour la première fois, pris le sujet mémoriel à bras le corps, d'abord en qualifiant la colonisation de «crime contre l'humanité» en 2016, puis en suivant les recommandations de Benjamin Stora. Sa conviction est que, 60 ans après la guerre d'Algérie, il est temps d'essayer de tourner la page, et cela passe par une démarche d'apaisement, de réconciliation des mémoires, entre la France et l'Algérie, lorsque l'Algérie y sera prête, mais aussi, et peut-être d'abord en France, entre les différentes mémoires issues de la guerre d'Algérie. Le président français a reconnu la responsabilité de la France dans l'assassinat de Maurice Audin et d'Ali Boumendjel. Il a rendu hommage aux victimes du 17 octobre 1961 lors d'une commémoration, restitué les crânes de résistants algériens aux autorités, ouvert les archives judiciaires. Sans passé personnel avec l'Algérie, Emmanuel Macron s'est efforcé de réconcilier en France toutes les mémoires issues de la guerre d'Algérie, celle des indépendantistes, des harkis, des rapatriés et des anciens combattants. Il a ainsi reconnu la responsabilité de la France dans ce qui est arrivé aux harkis et annoncé une loi de réparation. Emmanuel Macron est sans aucun doute le président qui a été le plus loin sur les sujets mémoriels.
Qu'en est-il des blocages rencontrés?
Ils sont nombreux! D'abord, ça ne va pas de soi de réconcilier des mémoires aussi douloureuses, encore très vives, même 60 ans après. Le passé ne passe pas si facilement. Il faut beaucoup d'efforts, beaucoup de temps aussi. Ensuite, il y a des imaginaires, des représentations qui continuent de dominer, comme l'idée que reconnaître l'histoire en face, ce qu'il s'est passé, serait une espèce de «repentance». Reconnaître le passé, les pages glorieuses comme les pages sombres, permet justement d'avancer, de se tourner vers l'avenir. L'extrême droite et une partie de la droite s'enferment encore dans une vision rétrograde, nostalgique de l'empire. Il y a aussi des blocages structurels, comme l'accès incomplet aux archives qui entrave encore le travail des historiens, même si beaucoup de choses ont été faites. Enfin, les jeunes, je pense aux jeunes issus de l'immigration algérienne en particulier, n'ont peut-être pas assez conscience, aujourd'hui, de tout ce passé. Comment en serait- il autrement après des décennies d'oubli, de silence, y compris jusque dans les familles. Il faut faire revivre, de façon apaisée, équilibrée, respectueuse, toutes ces mémoires.
Et quelle a été l'attitude du peuple français (société civile, universitaire, artistique, intellectuelle... etc.)?
Je crois que la société civile dans ses multiples composantes a joué un rôle immense dans le laborieux processus de décolonisation des imaginaires et de réappropriation de la mémoire. Dans les années 80, ce sont les mouvements de jeunes, les collectifs citoyens et le mouvement antiraciste, ceux de la Marche pour l'égalité de 1983 en particulier, qui ont reposé, dans d'autres termes, la question du passé colonial. Ce sont eux qui ont organisé les premières mobilisations pour la reconnaissance des massacres du 17 octobre 1961. Les historiens, bien entendu, ont puissamment suscité ces évolutions, en faisant sortir de l'ombre la guerre d'Algérie mais aussi l'ensemble de la période coloniale, en les rendant accessibles, intelligibles, non seulement aux spécialistes mais aussi au grand public. Il faut saluer à cet égard le travail essentiel de Benjamin Stora, non seulement en tant qu'historien, mais aussi comme vulgarisateur, à travers ses documentaires. D'autres grands historiens ont contribué à écrire cette histoire, comme Mohamed Harbi, Guy Pervillé, Gilbet Meynier, Pierre Vidal-Naquet et bien d'autres. Il y a aussi tous les témoignages, les mémoires, les romans qui ont contribué à faire connaître la guerre d'Algérie et à remplir aussi les silences des manuels scolaires et des institutions pendant des décennies.
Le président Macron n'est-il pas confronté à des lobbys influents tels que l'extrême droite dans son initiative de reconnaître «les crimes contre l'humanité» commis par la France durant la colonisation de l'Algérie?
L'extrême droite (mais aussi une partie de la droite) est très hostile à la politique de reconnaissance conduite par le président Macron, dans laquelle elle voit une forme de repentance. On l'a vu à travers les critiques virulentes d'Eric Zemmour durant la campagne. Emmanuel Macron a cependant tenu bon au cours de ces cinq dernières années. Il a résisté aux puissantes influences venues, notamment de l'extrême droite et s'est efforcé de tracer un chemin d'équilibre entre les diverses mémoires issues de la guerre d'Algérie. Enfin, il a toujours tendu la main à l'Algérie et aux Algériens, comme il l'a à nouveau rappelé lors de la commémoration du 19 mars.
Comment expliquez-vous que le contentieux mémoriel perdure alors que les générations française et algérienne de la guerre sont pour la plupart «passées»?
La mémoire se transmet! Et avec elle les douleurs, les blessures. On le voit bien en France avec les harkis par exemple. Des décennies plus tard, la douleur est toujours là. Ce phénomène de transmission de la mémoire est valable en France comme en Algérie. En outre, de part et d'autre, certains peuvent instrumentaliser ces mémoires. C'est ce que fait systématiquement l'extrême droite en France. C'est précisément parce que, même 60 ans après, le passé ne passe toujours pas que le président Macron a voulu essayer d'avancer et s'est engagé dans cette démarche d'apaisement, de réconciliation.


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