Lundi 11 avril 2022, une chaleur caniculaire frappe l'Algérie en ce 10ème jour du Ramadhan. Nous sommes dans l'une des 1542 communes que compte le pays. Il est un peu plus de 16 h. Lazhar, un jeune en léger surpoids, vient «s'abriter» chez son ami, coiffeur. «Je peux profiter de 5 minutes sous la clim et fermer quelques minutes les yeux?», demande Lazhar, en assurant qu'il était débout depuis l'aube. «Bien sûr», rétorque son ami, lui demandant s'il pouvait lui apporter sa contribution. En fait, ce jeune, presque à bout de souffle, est chef-cuisinier. Son épuisement est dû à 10 jours d'efforts incessants afin d'offrir des repas chauds aux plus démunis. Avec Fawzi, son associé, ils ont décidé de transformer leur petit «resto populaire» en restaurant de la Rahma. Chaque jour, ce sont plusieurs dizaines de personnes qui sont fournies gracieusement. Cela demande des moyens mais aussi des efforts. Il faut avoir l'argent afin de faire les courses, se lever à l'aurore pour les acheter, tout préparer et servir le tout, avec le ventre vide. Une opération qui se répète pendant 30 jours sans rien attendre en retour. Malgré la difficulté de la tâche, ce type d'initiative n'est pas un cas isolé. Dans chaque ville du pays, même les plus petites, on trouve au minimum trois ou quatre restaurants du même genre. Ils sont destinés aux pauvres, aux personnes de passage, mais aussi à ceux qui travaillent loin de chez eux. On y mange très bien, parfois mieux qu'à la maison. On y trouve une ambiance qui ressemble à celle des dîners de mariage. Le secret de la réussite de ces restos du coeur «made in bladi» est la solidarité légendaire des Algériens. Tout le monde apporte sa contribution. Ceux qui décident de mettre leur locaux à la disposition des nécessiteux sont submergés de dons pour pouvoir préparer ces repas. Jeunes et moins jeunes se présentent tous les jours avec de l'argent ou des cartons remplis de provisions. D'autres proposent leurs services pour venir en aide en cuisine, faire la plonge ou servir comme garçons bénévoles. Ils ne s'arrêtent que pour «rompre» le jeûne, avant de reprendre de plus belle jusqu'à avoir servi le dernier jeûneur. Cela alors que la plupart reviennent d'une longue journée de travail dans leurs boulots respectifs. «Il y a quatre ans, j'ai eu un événement bouleversant dans ma vie; j'ai alors décidé d'ouvrir un restaurant de la ´´Rahma», avec l'aide d'un ami», rapporte Ryad qui assure s'être lancé dans l'aventure sans vraiment savoir par où commencer. «On a alors loué un petit local pour le mois sacré, qui répondait à notre budget», se remémore-t-il, assurant que le premier jour, ils avaient commencé par quelques courses et des petits dons de proches. «Quand le proprio a su que nous avions ouvert un resto solidaire, il est venu illico presto à son local», souligne t-il, assurant qu'au début il avait eu peur. «Il avait dans la main le loyer qu'on lui avait remis, ainsi qu'une autre somme d'argent qu'il nous a demandé d'utiliser afin de préparer les Iftars», ajoute-t-il tout heureux. Depuis, chaque année, ils renouvellent l'expérience au même endroit, avec beaucoup plus de monde mais aussi plus de dons. L'anecdote de Ryad résume, à elle seule, l'esprit solidaire qui prévaut au sein de la société algérienne, car ces impressionnantes initiatives sont une goutte d'eau dans le grand océan de cette entraide bien de chez nous. Comme pour ces «restaurants de la Rahma», particuliers et associations multiplient les initiatives en faveur des personnes les plus fragiles. Les fameux «couffins du Ramadhan» offerts par l'Etat sont «complétés» par ceux de la société civile, comme avec l'association Sidra et sa fameuse banque alimentaire. Les réseaux sociaux ont également permis aux petites actions de grandir ensemble, en mutualisant les moyens, afin de venir en aide à beaucoup plus de personnes. C'est ainsi qu'on a pu voire en quelques jours, voire en quelques heures, des dizaines de paniers remplis et servis aux nécessiteux, après des appels sur la Toile. Bref, c'est là la véritable image de l'Algérien. Celle qui, à chaque fois que cela est nécessaire, se lève comme un seul homme pour tendre la main à ses frères en difficulté. Il l'a prouvé, maintes fois, de forte belle manière. Comme l'été dernier avec la vague du Delta et celle des incendies. Enfants, adolescents, adultes et personnes âgées ont donné tout ce qu'ils avaient pour sauver des vies ou permettre à des familles de retrouver un semblant de vie normale. On se souvient de ces caravanes qui sont venues des 58 wilayas du pays pour venir en aide aux sinistrés de la wilaya de Tizi-Ouzou, avec comme seul mot d'ordre: fraternité et unité nationale. C'est notre pays comme on aime le voir...