Avions cloués au sol, villes désertes, citoyens enfermés chez eux! La réalité dépasse la fiction. En 2020, le monde a vécu des scènes apocalyptiques que l'on ne voyait que dans les films. «Est-ce la fin du monde?», se demandaient alors les humains pris de panique. Deux ans après, on peut répondre à cette question. Ce n'est pas la fin du monde, mais la fin d'un monde. Celui d'avant «l'ère Corona». Le coronavirus a apporté des changements radicaux en mettant au- devant de la scène le digital et toute l'économie qui gravite autour. Les TIC auront été «l'arme» qui a permis de faire face à cet ennemi invisible. Dans les quatre coins du monde, on a assisté à une avalanche d'innovations permettant aux populations de poursuivre leur vie quotidienne, tout en luttant efficacement contre la propagation du virus. L'Algérie n'a pas été en reste de cette course à l'innovation. Cette pandémie aura même été un «Hirak» numérique pour le pays, qui depuis l'arrivée au pouvoir de Abdelmadjid Tebboune, a entamé sa révolution digitale. Le chef de l'Etat a fait part de sa volonté de miser sur le numérique pour la diversification de l'économie nationale. Il a, pour la première fois de l'histoire du pays, créé des départements ministériels dédiés aux start-up et à l'économie de la connaissance. Une volonté politique certaine qui s'est heurtée, néanmoins, à l'absence d'une culture citoyenne, et un engouement pour les produits digitaux. La Covid-19 et ses contraintes ont fait office de déclic tant attendu. Jamais de l'histoire du pays on n'a eu droit à autant d'innovations dans un laps de temps aussi court, et ce à travers les quatre coins du pays. Le coronavirus a eu un impact certain dans l'accélération de la transformation digitale du pays. Beaucoup d'experts assurent que «nous avons gagné 15 ans, dans ce domaine, en ces deux ans de Covid-19». Le train de la digitalisation est, de ce fait, mis en marche. Pour «mesurer» la distance parcourue, nous avons décidé de voir en gros l'impact que cela a eu directement sur la vie des citoyens. Une vie à la carte! Vous avez dû le remarquer, de plus en plus d'Algériens tirent un rectangle en plastique de leurs portefeuilles pour payer leurs courses aux supermarchés, l'addition du restaurant ou même l'essence dans les stations- service. Cette «chose» tout à fait normale sous d'autres cieux, nous paraissait impensable, il y a de cela deux ans. Pourtant, le paiement électronique a été lancé officiellement dans le pays en octobre 2016! Aujourd'hui, il est rentré dans nos moeurs. Plus besoin de grosses liasses et de la «chkara» pour faire ses achats. «Je fais mes courses, je sors ma carte, je tape mon code secret dans le TPE, j'ai mes tickets et le tour est joué», explique avec un large sourire celui qui assure avoir tenté l'expérience durant la crise sanitaire. Les «Applis» magiques «Il y a avait un manque de liquidité, du monde aux bureaux de poste et le grand risque du virus. Mon fils m'a expliqué que je pouvais payer par carte chez les commerçants qui disposent de TPE. Après deux ou trois fois, c'est devenu presque exclusivement mon seul mode de paiement», rapporte-t-il très fier de cette belle avancée. À l'instar de Salim, beaucoup de citoyens ont succombé au charme de cette carte magique. D'autant qu'elle permet de payer ses factures ou faire ses courses sans se déplacer et ce 7 jours sur 7, 24h sur 24. Amina n'a pas mis les pieds dans les agences de la Sonelgaz, la Seaal ou encore Algérie télécom depuis la période de l'avant- «Covid-19». Ils sont des milliers, comme elle, à payer désormais leurs factures à partir de leurs fauteuils, en sirotant un café en attendant de voir un match de football ou un film. À toute heure de la journée. Fini les journées perdues dans les files d'attente et les colères qui vont avec. «Désormais tout le temps zen», rétorque-t-elle avec un clin d'oeil avant de plaisanter par rapport à une certaine nostalgie. Les applications de certaines banques mais surtout celle de la poste, «Baridi Mob» optimisent ce type d'opération avec les divers services qu'elles proposent en un seul portail. «Je vais vous parler d'une chose très simple mais qui pour moi est très importante. Il s'agit du rechargement de mon crédit de téléphone portable. Je le fais à la maison, sans me faire racketter par le bureau tabac ou avoir peur qu'il me vole mon numéro et m'appelle le soir», assure Amel, une jeune trentenaire accro à l'«Appli» développée par la poste qu'elle avoue avoir découvert durant cette crise sanitaire. «J'en suis fane car en plus du paiement de la facture, elle me permet d'effectuer divers achats en ligne et de faire des virements d'argent très rapides», poursuit-elle assurant que chez elle et ses proches cette culture du digital est en train de s'ancrer doucement mais sûrement. «Même mes parents, qui ne savaient pas utiliser un smartphone avant le confinement, effectuent maintenant des achats en ligne avant d'aller voir des vidéos sur YouTube ou de scroller sur Facebook», rapporte-t-elle. Chose que l'on voit de plus en plus dans nos foyers. Quel que soit leur âge, ils choisissent de faire leurs courses sans se déplacer! Un rêve que le confinement a rendu...réalité. En effet, l'épidémie de coronavirus a permis l'avènement des applications de livraison à domicile. Un service qui existait, certes, déjà depuis un moment, mais qui concernait surtout les repas et les produits vendus sur Internet à l'image de l'habillement et de l'électronique. Néanmoins, avec la pandémie le «shopping 2.0» s'est très vite propagé. Ainsi, les applications qui proposent ce genre de services pullulent en Algérie ces derniers temps. Les boutiques classiques ont également sauté le pas. Elles ont ouvert des services e-commerce sur leurs sites ou des Store dans les applications dédiées à la vente en ligne. Même les petits commerçants ont décidé de se tourner vers le numérique, particulièrement durant le coronavirus. Certains ont créé des sites Internet alors que d'autres utilisent simplement les réseaux sociaux, notamment leurs pages Facebook. Les beaux jours du e-commerce Un grand engouement qui a fait que le e-commerce devienne une activité à part entière. Des jeunes et moins jeunes en ont fait leur gagne-pain. Ils ouvrent des petites boutiques en ligne qui leur permettent de vivre décemment. Mieux encore, tout un écosystème est en train de se mettre en place autour de cette activité. Des entreprises de transports et logistiques ouvrent les unes après les autres, des jeunes motards sont employés comme livreurs. On les voit slalomer entre les voitures, avec leurs gros coffres accrochés derrière, pour vous livrer à temps votre pizza ou colis. «On se croirait dans une grande capitale européenne», avoue Nabil qui n'a pas mis les pieds au pays depuis 2019. Il nous raconte une anecdote qui résume cette situation. «Je me suis marié grâce à une application mobile, non pas de rencontre, mais de service de vente en ligne», révèle- t-il. De retour au pays cet été, ce trentenaire était en froid avec sa fiancée. Il voulait une surprise originale afin de faire fondre la glace et la récupérer. Il tombe sur «TemTem One» où il trouve un service de livraison de fleurs et de chocolat. «Je suis étonné de pouvoir payer en ligne, c'est ce que je fais. Un mois après, on convole en justes noces...», rapporte-t-il soutenant qu'il était agréablement surpris par l'existence de services de ce type et surtout sa fiabilité, sa rapidité et ses prix qui restent plus au moins raisonnables. Les VTC et la gare routière de Tiaret... L'autre «révolution» qui a surpris la diaspora, qui est rentrée au pays cet été, est évidemment celle qui a touché les services de transport. L'émergence des VTC a mis fin au diktat des chauffeurs de taxi, notamment au niveau de la capitale. Les VTC se sont vite ancrés dans les moeurs de la société devenant l'un des moyens de transport préférés des Algériens. On en compte plus d'une dizaine. «J'ai été surpris par leur efficacité, leur prix et leur professionnalisme», soutient Amine, un Algérien installé en Italie, qui affirme ne s'être déplacé qu'avec ce moyen de locomotion durant son mois de vacances «au bled». «Franchement bravo, ils n'ont rien à envier à Uber. «En plus des VTC et autres applications, j'ai découvert en allant voir ma famille à Tiaret que la gare routière de la ville avait sa propre application qui permet de connaître les horaires des bus, suivre leurs déplacements et acheter des billets... Je ne peux que dire bravo», se réjouit-il de voir des entités publiques se mettre à l'ère du temps. Car, oui le service public est aussi en train de faire sa mue. On peut donner l'exemple des inscriptions à la loterie du Hadj qui se fait par Internet depuis des années ou encore plus récemment le paiement de frais d'inscription à l'université, évitant de voir des chaînes de 10 km à l'entrée des postes comme c'était le cas chaque année à pareille période. Bref, on sent comme un vent d'euphorie qui s'abat sur le pays. Une course vers l'innovation qui laisse entrevoir un avenir radieux. C'est l'autre «Hirak» du pays...