Au-delà du blocage lui-même, il s'agit d'un déni de droit, clairement établi, qui devrait interpeller la classe politique au premier chef. Plus d'une année et demie après le début de son bras de fer engagé avec le désormais ex-patron du port de Béjaïa, récemment promu, le groupe Cevital, premier groupe privé algérien, se heurte à de nouveaux blocages. À Skikda, il y a quelques jours, les autorités portuaires ont décidé de "confisquer" les conteneurs destinés à l'usine que projette de lancer le Groupe à Béjaïa, après avoir autorisé leur déchargement, l'opération d'importation ayant satisfait à toutes les procédures et formalités exigées par la législation en vigueur. Motif invoqué par la direction du port : "L'importation du matériel industriel par l'entreprise Cevital n'a pas reçu l'aval des autorités compétentes." Il lui demande ainsi de "prendre les dispositions nécessaires pour la réexportation de ces conteneurs dans les plus brefs délais". Réponse du Groupe : "Le dossier d'importation est conforme à la réglementation bancaire, douanière et fiscale." Au-delà de cette volte-face, pour le moins suspecte, qui suggère l'interférence de forces occultes, la référence aux autorités "compétentes" rajoute un épais brouillard à cette entreprise de blocage sur laquelle aucune autorité... compétente ne semble avoir d'emprise. Sinon, comment expliquer cette célérité avec laquelle la capitainerie du port d'Annaba prend le relais pour instruire les agences de consignation de "prendre toutes les mesures nécessaires afin d'interdire tout embarquement à destination du port d'Annaba, de conteneurs chargés d'équipements destinés pour l'usine de trituration de Cevital". Dans la correspondance reprise par plusieurs médias, le directeur de la capitainerie du port d'Annaba a informé les directeurs des agences de consignation qu'"en cas de constat de ce type de marchandises à bord des navires, les conteneurs en question ne feront pas l'objet de débarquement par nos services". Et rien ne dit que des instructions similaires n'aient pas été données à d'autres ports du pays. Il ne s'agit plus désormais d'une question d'"entraves bureaucratiques", marque de fabrique du climat des affaires en Algérie, dont pourrait, par ailleurs, se plaindre tout potentiel investisseur, mais d'un blocage en bonne et due forme qui met à nu une volonté de sabotage d'un projet d'investissement porté par un groupe dont le seul tort est de chercher à... entreprendre pour créer de la richesse et de l'emploi ! Au-delà du blocage qui conforte les observations du département d'Etat américain et du FMI sur le climat des affaires en Algérie, cette situation bat en brèche les discours verbeux sur la volonté des autorités de "diversifier" l'économie et d'encourager l'investissement privé. Pire, elle traduit de façon éclatante la mainmise de certains lobbies sur les leviers de l'économie. Une situation face à laquelle le gouvernement se montre, par son silence, impuissant. Ni la mobilisation citoyenne ni les dénonciations de certains partis de l'opposition ne semblent encore trouver écho auprès des vrais décideurs ni encore refroidir les ardeurs de ces forces de l'ombre sur lesquelles les partis du pouvoir refusent de s'exprimer. Il s'agit pourtant, au-delà du blocage de l'investissement envisagé, d'un vrai déni de droit, désormais clairement établi, qui devrait interpeller, non pas seulement le gouvernement, mais aussi l'ensemble de la classe politique. Si le silence du gouvernement laisse penser qu'il est soumis aux donneurs d'ordre de l'ombre et, en tout cas, incapable de faire jouer la loi pour contrarier leurs desseins, il n'en est pas moins troublant, et cela a de quoi procurer de grandes inquiétudes pour l'avenir du pays. Les violations flagrantes du droit, commises en série dans ce dossier, conjuguées à l'attitude passive des pouvoirs publics supposés être les garants du respect de la loi, constituent, au final, pas moins qu'une affaire nationale qui devrait interpeller l'ensemble des acteurs politiques et associatifs soucieux de la préservation du droit dans son acception la plus large. Karim K. Lire aussi : - Me Zoubeir Soudani du barreau de Constantine : "Inacceptable et incompréhensible !" - Scandale du port de Skikda : Zaâlane, un ministre qui n'assume pas