Décédé samedi dernier en France des suites d'une longue maladie, Djamel Allam restera dans nos cœurs, même s'il ne nous entend plus sur "la plage des enfants perdus" de sa Béjaïa. Il n'est plus là ! L'enfant qui s'abreuvait au "chant des sources" de la médina "Djaouhara" des Hammadites ! L'artiste Djamel Allam (1947-2018) s'en est allé vers l'Eden de la "Samarkand" où brille le clair de lune de "Tiziri" sa bonne étoile ! Emporté dans son Argu (1974) ou "rêves du vent" (1978), l'enfant adoré de Yemma Azizen ou Yemma Gouraya se repose du sommeil du juste après une ultime révérence à la scène où il chantait M'ara d-yughal (quand il reviendra l'enfant prodigue) (1973) ! Seulement, il ne reviendra plus l'élève de cheikh Sadek El-Bedjaoui, qui rangea en 1970 les "noubat" dans son "zmem" (cahier) pour rebondir en ouverture du spectacle de Brigitte Fontaine et Areski Belkacem en 1972 à Alger. Homme de radio (France Inter) et barbu d'une mode sporadique à la "Che", Djamel Allam s'était longtemps vêtu d'une veste militaire qui faisait tendance auprès de la communauté estudiantine des années 1970, où le chant "Eh Mamia Tawra Ziraïâa" fédérait une jeunesse progressiste et volontaire autour du travail de la terre. Mais, à côté de ça, il y avait la quête de l'identité amazighe qui était occultée par le pouvoir de l'époque, mais que le chant contestataire des Abranis universalisait au-delà du piémont du Djurdjura. Epris des textes choisis, Djamel Allam interprétait les "éternelles" chansons à texte d'artistes dits engagés, à l'instar du Déserteur (1954) de Boris Vian, Ma liberté (1967) de Georges Moustaki et Avec le temps (1969/70) de Léo Ferré, qu'il interprétait pour son fan club, au cœur de l'auditoire du centre familial de Ben Aknoun, où il y avait l'artiste peintre M'hamed Issiakhem et Kateb Yacine, le père de Nedjma (1956). C'en était ainsi tout au long d'une série de récitals organisés à la belle franquette et jusqu'au jour où M'hamed Issiakhem le houspilla en ces termes : "Au lieu de chanter en français, tu ferais mieux de chanter dans ta langue maternelle !" qu'il disait Djamel Allam. Alors, heurté, ou était-ce le déclic à une carrière féconde ? Quoi qu'il en fût, l'interprète d'Ouretssou (Ne pleure pas) s'était ramassé à l'aide d'une tape d'encouragement sur l'épaule que lui asséna affectueusement l'auteur de la pièce théâtrale Mohamed prends ta valise (1971). Et c'est la guitare en bandoulière qu'il surfa sur la "nouvelle vague" qui l'amena jusqu'à "Younès" du studio d'enregistrement Oasis, sis à la rue Khelifa-Boukhalfa, où l'avaient précédé Hamid Cheriet, dit Idir, et Noureddine Hassani, alias Chenoud. Novateur, Djamel Allam a introduit la clarinette de Khelil Guechoud dans ses œuvres. Et naquit Thella themkant digouliw (il y a une place en mon cœur) qui lui a ouvert d'emblée le plateau de télévision de l'ancienne RTA, aux côtés de la défunte, la dame animatrice Yamina Belouizdad, alors qu'il ne parlait pas un traître mot d'algérien. Mais qu'importe la langue, puisqu'il était vêtu du burnous, ce repère de ses aïeux. Mieux, il avait ses cordes vocales et celles de sa guitare qui le portèrent au firmament du succès. Et depuis, les pochettes de disques vinyle 45 tours du défunt occupèrent les devantures de disquaires qui avaient pignon sur la rue Ahmed-Zabana (ex-Hoche) et du passage tunnel de la place Maurice-Audin. Agréable à vivre, l'homme avait de l'humour lors d'une interview improvisée autour d'une pause-café au cercle sportif de la JSK à Tizi Ouzou, où il était venu présenter son film Banc public avec Nora Khadir à la maison de la culture Mouloud-Mammeri, qui lui a valu l'Olivier d'or lors de la treizième édition du Festival culturel national annuel du film amazigh (FCNAFA) du 23 au 28 mars 2013, dédiée à Abderrahmane Bouguermouh. Que dire d'autre ? Sinon qu'il restera dans nos cœurs, même s'il ne nous entend plus sur "la plage des enfants perdus" de sa Bejaïa où il gît à tout jamais. Louhal Nourreddine