Les massacres de Sabra et Chatila, perpétrés par l'armée israélienne sur une population palestinienne civile sans défense entre le 16 et le 18 septembre 1982, faisant des milliers de victimes, font partie de ces drames que l'Histoire retiendra et que le cinéma abordera sous toutes les facettes. Cette semaine, le Musée national de l'immigration de Paris a organisé, en partenariat avec les associations Périphérie 93 et le GREC, la projection en avant-première du film du jeune réalisateur Antoine Laurent De Chatila nous partirons qui signe là une première œuvre qui pourrait paraître "tituber" un peu sur le plan technique et professionnel, comme le soulignera gentiment une personne du public, mais qui n'en est pas moins une œuvre engagée, avec un message fort, dira unanimement toute l'assistance venue découvrir l'histoire qui se cache derrière ce titre, significatif à plus d'un titre. Il n'y est pas question de ces massacres, ni des conditions tragiques que vivent les réfugiés palestiniens dans les camps du Liban, même si le film en parle aussi, mais il est surtout question de mettre l'accent sur cette jeunesse palestinienne qui a hérité de ce dur passé, mais qui ne veut pas se laisser aller au pessimisme ni perpétuer cette violence, et qui se bat plutôt pour aller de l'avant en surmontant les obstacles et en privilégiant les études et le savoir. Dans De Chatila nous partirons, il s'agit de cette bande de copains composée de Tarek, Sobhi et Jalal, nés dans les camps de Sabra et Chatila au Liban dans les années 80, que le réalisateur suivra durant trois années de tournage, à des moments discontinus, en faisant des va-et-vient entre Paris et ce camp de réfugiés parfois dur d'accès mais que le jeune Antoine Laurent a tenu à donner à voir dans son film. Ce trio a créé en 2011 un centre de soutien scolaire et une maternelle auxquels il a donné le nom de "Rêves de réfugiés", histoire de dire que les réfugiés ont aussi le droit de rêver et l'espoir de concrétiser leur rêve par le savoir et le retour vers leur pays et la terre de leurs origines, leur Palestine. Mais en attendant la concrétisation de ce rêve, ces réfugiés ont droit à une vie citoyenne et digne à l'intérieur de ces camps et malgré le peu de confort, pour ne pas dire malgré le manque de tout. Car dans ces camps, il n'y a rien, ou presque rien, mais on tente de faire beaucoup avec ces riens. Lors de sa création, le centre recevait 40 enfants, actuellement, il en accueille 600 et la demande est forte, alors que les conditions de travail sont minimes et le matériel réduit. Les jeunes enseignants et animateurs bénévoles ont de la volonté, mais c'est peu face aux attentes. Et l'arrêt des subventions et de l'aide des Etats-Unis va être un handicap supplémentaire à cette tragédie ; il risque de compromettre beaucoup de projets en cours de réalisation et de causer la fermeture de beaucoup d'écoles, comme l'expliquera, lors du débat, le réalisateur, conscient de la gravité de la situation de ces réfugiés. Et pour mieux en parler, les trois amis palestiniens seront les hôtes de Paris dès le 27 novembre pour une tournée dans divers lieux culturels et salles de projection afin de sensibiliser le public cinéphile à la cause palestinienne et pourquoi pas sensibiliser quelque peu le reste du monde. C'est aussi ça, le rôle du cinéma engagé. Une virée en Algérie serait également souhaitable, pourquoi pas au prochain Festival du film engagé d'Alger… ? De Paris : Samira Bendris-Oulebsir