Dans ce roman, il est question de la vie de ces filles des années 70 s'étalant à la tragédie des années 90 ; de cette période glorieuse d'une part et réductrice d'autre part, car tout de suite déviée de sa trajectoire en brimant la femme dans ce qu'elle avait de plus précieux : concrétiser ses rêves de conquérir le monde et d'assouvir sa soif de connaissances. Le jeune auteur, Mohamed Abdallah, récidive cette année encore avec un second roman intitulé "Souvenez-vous de nos sœurs de la Soummam". Souvenons-nous que l'an dernier, à la même période pratiquement, un autre roman, son premier, "Entre l'Algérie et la France, il n'y a qu'une seule page" avait fait beaucoup parler de lui. Un jeune homme brillant, intelligent et très impliqué dans tout ce qui concernait son pays, l'Algérie, hier comme aujourd'hui. Hier il s'agissait de la guerre, aujourd'hui il s'agit de liberté, d'indépendance, de construction dans sa globalité, mais tout particulièrement de la Femme algérienne et son devenir après cette indépendance à laquelle elle a beaucoup contribué. Tâchons de nous en souvenir ; rappelons-nous de nos sœurs de la Soummam des années après-guerre, après 1962 et la liesse de la population qui scandait "vive l'Algérie" ! Mais contrairement à ce que l'on pourrait penser, le roman ne parle pas de la guerre ni des exploits accomplis par la femme algérienne pendant cette révolution, même si on en cite quelques exemples pour leur rendre hommage et par la même déplorer ce manquement au devoir de mémoire qui nous fait oublier Myriam Benmiloud, Safia Bazi, Maliha Hamidou, Baya Damerdji et beaucoup d'autres martyres de la cause nationale qui se sont sacrifiées pour que d'autres filles de leur pays puissent profiter de leur liberté et vivre pleinement leur vie. Et justement, dans ce roman, il est question de la vie de ces filles des années 70 s'étalant à la tragédie des années 90 ; de cette période glorieuse d'une part et réductrice d'autre part, car tout de suite déviée de sa trajectoire en brimant la femme dans ce qu'elle avait de plus précieux : concrétiser ses rêves de conquérir le monde et d'assouvir sa soif de connaissances. "À chaque fois que je trébuche sur une notion, je me rappelle de cette matinée où mon père m'a signifié que je devais rester à la maison", dira Ouahiba, un des personnages féminins de ce roman qui a décidé de se révolter et de reprendre sa vie en main en s'attaquant à la politique. Rien que ça ! Et cette autre Abla qui, un matin, "se réveilla avec de nombreuses questions : quel était son avenir ? Son ambition ? Passer de bons moments en compagnie des talebs était bien agréable, mais ne faisait pas un projet de vie !" Car oui, dans ce roman — féministe dirions-nous aujourd'hui ? — il est question de toutes ces femmes, Ouahiba, Abla, Fedoua, Lamia, Houria, Aïcha… aux destins croisés, gravitant autour du personnage qui semble le pivot, Omar au cœur tendre, à l'écoute de toutes les revendications qu'il partage et qu'il encourage, parfois à ses dépens. Le jeune auteur Mohamed Abdallah, féru de "culture", fera revivre au lecteur l'histoire d'amour de Hiziya, lui redonnera envie de lire, d'aller au cinéma, au théâtre, à la salle Harcha, de voyager et découvrir le monde et goûter pleinement chaque moment de vie car après il y a la mort et avant lui il y a eu aussi la mort de celles qui ont voulu nous donner la vie… Souvenons-nous de ces filles oubliées ! Samira Bendris-Oulebsir Souvenez-vous de nos sœurs de la Soummam, Editions Anep, 196 p., 2018, 920 DA.