"Il faut qu'on tienne jusqu'au 3 mars !", a dit le président du FCE, Ali Haddad. L'enregistrement d'une discussion entre Abdelmalek Sellal, le directeur de campagne de Bouteflika, et Ali Haddad, le président du Forum des chefs d'entreprises (FCE), a été diffusé mercredi sur les réseaux sociaux. La discussion fait le buzz, et pour cause. L'échange entre les deux hommes, qui vole au ras des pâquerettes, renseigne sur l'idée qu'ils se font de la pratique politique et sur la manière avec laquelle sont appréhendées les manifestations de rue. L'enregistrement n'est pas authentifié, mais, trois jours après sa diffusion, aucun des deux concernés n'est intervenu pour le démentir, ce qui le rend donc vraisemblable. De quoi s'agit-il ? Il est question d'abord de la gestion des marches populaires actuellement en cours dans le pays. Les propos des deux hommes à ce sujet traduisent, on ne peut mieux, la situation d'impasse dans laquelle se trouve le pouvoir et la panique qui le gagne. En témoigne ce que dit Ali Haddad, avec un ton faussement rassurant : "Nous étions avec Smaïl, et ils ont peur que cela s'étende à tout le pays." Et Sellal de répondre : "Ça ne marchera pas." Mais en évoquant la sortie vers l'autoroute des étudiants et l'utilisation de la violence, Sellal parle clairement du recours à la répression. "S'ils font cela, la gendarmerie interviendra, elle ne fait pas de concessions." Cependant, ce qui traduit la panique qui s'est emparée des partisans du 5e mandat, c'est incontestablement Ali Haddad qui dit : "Il faut qu'on tienne jusqu'au 3 mars !" Ce à quoi Sellal rétorque : "Ils pensent que c'est facile d'obtenir son retrait !" Haddad acquiesce : "C'est notre mission." Dans le même enregistrement, les deux hommes abordent aussi le traitement par les médias étrangers des manifestations populaires, en citant Antoine Besbous et un autre qui auraient dit du bien du Président. "Mais ce ne sera pas facile", a dit encore Haddad en parlant de la marche dont il a tenté de minimiser l'ampleur. "Si 5 000 ou 10 000 (personnes) sortent dans une wilaya, c'est normal", en faisant référence à un entretien avec un certain Mohamed (probablement son frère), qu'il présente comme un connaisseur de la situation à Tizi Ouzou. La discussion devient autrement plus intéressante lorsque Sellal parle de la démobilisation du gouvernement. "Vendredi passé, le gouvernement était absent. À part le ministre de l'Intérieur et le Premier ministre aucun autre n'était à son bureau." Poursuivant, il cite le ministre des Affaires religieuses qui devrait travailler ce jour-là, car le vendredi, ça le concerne directement. Parlant d'une virée vendredi à Aïn Oussera, Abdelmalek Sellal s'est dit prêt à faire face à la fermeture de la route et "s'ils disposent de klach, il n'y a pas de problème, s'ils tirent, on leur tirera dessus". Dans la même conversation, le directeur de campagne de Bouteflika dit avoir appelé et instruit le wali de Djelfa d'un certain nombre de choses relatives à la préparation du déplacement. Voilà qui confirme l'implication de l'administration dans la campagne de Bouteflika. Car, sinon, de quel droit un directeur de campagne instruit-il un wali ? La diffusion de ce document compromettant pour le staff de campagne de Bouteflika a-t-elle été faite pour alerter sur les intentions véritables du pouvoir par rapport au soulèvement populaire en cours ? La désinvolture du directeur de campagne électorale d'Abdelaziz Bouteflika et, de surcroît, homme d'Etat en a révolté plus d'un. A. R.