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"La révolution en cours peut faire sauter les verrous du système rentier"
Raouf Boucekkine, économiste et professeur à Aix-Marseille Université
Publié dans Liberté le 02 - 04 - 2019

Economiste et expert international reconnu, Raouf Boucekkine nous livre, à travers cette interview, une analyse pertinente sur les enjeux économiques à court et moyen termes, en ce contexte de transition politique majeure. Selon lui, la révolution en cours a ceci de potentiellement providentiel, qu'elle peut faire sauter tous les verrous du système rentier qui gangrène le pays depuis des décennies.
Liberté : Dans quelle proportion la crise politique qui prévaut actuellement en Algérie impacte-t-elle réellement les enjeux économiques et les équilibres financiers du pays ?
Raouf Boucekkine : Les équilibres financiers du pays sont précaires depuis quelques années, avec les deux chocs majeurs qu'on a connus durant cette décennie : le choc budgétaire post-Printemps arabe et le contre-choc pétrolier de juin 2014 dont la violence et la persistance ont souligné encore plus l'absurdité des mesures prises en réponse au Printemps arabe. Quand un pays traîne des déficits budgétaires supérieurs à 8% du PIB depuis 5 ans, voit sa croissance hors hydrocarbures divisée par 2 lors de la même période, et a aussi peu de répondant en termes d'ajustement et de réformes, la crise politique a bon dos. Sauf effondrement du pays, elle ouvrirait plutôt la porte, si la transition politique est raisonnablement menée, à un gain en crédibilité décisif pour les gouvernants entrants. Si les initiatives économiques des précédents exécutifs ont aussi lamentablement échoué (comme les mesures pour récupérer la monnaie fiduciaire hors circuit bancaire depuis 2015), c'est surtout imputable à la faible crédibilité des gouvernants.
La révolution en cours a ceci de potentiellement providentiel qu'elle peut faire sauter tous les verrous du système rentier qui gangrène le pays depuis des décennies. En ce sens, la révolution ne va pas seulement impacter les enjeux économiques, elle va les transcender. Tous les problèmes naguère insolubles d'acceptabilité sociale des réformes (par exemple des subventions) dus à la faible crédibilité des gouvernants pourraient être levés si la transition politique est de bonne qualité. Bien sûr, l'année 2019 ne risque pas d'être une année record du point de vue de la performance macroéconomique, ni la suivante d'ailleurs, mais si nous réussissons notre transition politique, nous pourrons déverrouiller le système économique actuel et lancer un vrai plan d'émergence sur 10 à 15 ans.
La situation de blocage constitutionnel compromet-elle les impératifs de réformes structurelles qui doivent être mis rapidement en œuvre tant qu'il reste encore une marge de manœuvre à exploiter avec l'épargne en devises encore disponible ?
D'abord, j'espère que le blocage constitutionnel sera de courte durée, ceux qui tenteront de le prolonger porteront une lourde responsabilité tant la situation économique du pays est alarmante depuis l'été 2016. Le retard pris dans le lancement des réformes structurelles est dû à une faille systémique du modèle rentier qui joue sur la redistribution de la rente et la répression pour se perpétuer, et s'appuie sur des groupes particuliers pour ce faire. Il est donc vital qu'il soit totalement démantelé. Maintenant, j'observe que la dernière partie de votre question est assez symptomatique du débat qu'on peut avoir dans un pays rentier : il n'y a aucun lien essentiel entre le niveau de réserves et la propension à conduire des réformes structurelles. J'aime bien donner l'exemple de l'Inde pour étayer mon propos : au début des années 90, ce pays avait à peine de quoi payer une ou deux semaines d'importation ; c'est grâce à un train de réformes structurelles très soutenu entamées à cette époque-là que son économie a pu émerger. On doit démarrer notre processus réformateur le plus vite possible et indépendamment du niveau de la rente. Le niveau des réserves est un indicateur parmi d'autres, c'est parce qu'on vit en système rentier fermé qu'il prend toute cette importance chez nous.
Des soupçons d'emballement des transferts illicites de devises sont évoqués ces dernières semaines en conséquence de la situation politique. Peut-on réellement mesurer ce phénomène qui existe depuis plusieurs années en Algérie ? La sphère bancaire, banque centrale en tête, est-elle outillée pour lutter efficacement contre de telles pratiques frauduleuses ?
Vous savez bien qu'on est réduit à faire des estimations, et pas seulement en Algérie. Pour vos lecteurs, la consultation du site de l'ONG américaine Global Financial Integrity peut être très instructive : nous sommes bien classés dans la surfacturation et autres pratiques joyeuses.
Pour être un peu plus sérieux, il se peut que les évènements actuels aient conduit certaines personnes à intensifier l'évasion des capitaux, mais franchement le pays est gangrené par ces pratiques à un niveau très élevé depuis des années, l'explosion des importations depuis 15 ans ayant alimenté cette dérive avec le marché de change dual, etc. Quand je pense que certaines personnes bien placées dans le monde économique réclament depuis des années la convertibilité du dinar... La Banque d'Algérie a joué son rôle dans la répression de l'évasion des capitaux, elle l'a fait dans le cadre de la loi, et malgré d'énormes pressions de temps à autres si vous voyez ce que je veux dire, c'est déjà très bien.
À quels arbitrages économiques et budgétaires faudrait-il s'attendre une fois enrayée l'impasse politique ?
Vous parlez arbitrage, il faudrait plutôt parler de séquençage. Je ne vais pas vous faire un cours sur le sequencing des réformes économiques dans un pays en transition, mais juste énoncer quelques idées simples pour notre pays. Nous avons un grave problème de finances publiques, avec des déficits jumeaux hors normes.
Il y a urgence absolue, il faut sortir de l'usage exclusif de la planche à billets et revenir à la civilisation, qui passe par la diversification des sources de financement. L'objectif est d'entamer ce qui aurait dû l'être déjà après l'adoption en Conseil des ministres du "nouveau modèle de croissance" le 26 juillet 2016, tombé aux oubliettes depuis. La réforme bancaire et des marchés financiers est capitale, cela va requérir une ouverture plus large aux capitaux étrangers, mais le pays est attractif et pour peu que la transition politique soit propre et conduite par des gens propres, il ne faut pas avoir peur d'ouvrir graduellement notre pays à des partenaires de long terme.
La liste des tâches est longue, mais il faut garder en tête les priorités. La faillite du système rentier ne conduira pas automatiquement à l'émergence d'une nouvelle gouvernance moderne, il faudra la penser et l'adapter aux différentes étapes de la modernisation du pays.
Des inquiétudes commencent à naître en Europe quant aux intérêts économiques de certains partenaires de l'Algérie, notamment dans le domaine gazier. Qu'en est-il exactement ?
L'inquiétude quant à la capacité de notre pays à assurer ses exportations ne datent pas des déclarations de Gaïd Salah, il y a quelques jours. Tous les experts en énergie finissent par avouer ce type d'inquiétudes.
D'ailleurs, le ministre Guitouni n'a pas été le dernier des sceptiques en décembre 2018, même s'il s'est en premier lieu inquiété de l'emballement de la consommation d'énergie chez nous. Naturellement, tout ce qui est consommé en interne n'est pas exportable, et l'alimentation des centrales à gaz devient ainsi au fil du temps une ponction de plus en plus importante dans nos exportations. Sans compter l'épuisement de certains champs gaziers majeurs pour des raisons économiques et techniques bien documentées, qui tiennent en un mot : la voracité. Il n'y a pas de danger imminent, mais il faut, comme pour le reste, refonder notre politique énergétique, vers un mix énergétique intégrant des objectifs de court terme et de long terme, avec notamment un plan "énergies renouvelables" beaucoup plus ambitieux, à l'instar du Maroc.
L'Algérie risque-t-elle de se retrouver contrainte de prolonger le recours au financement non conventionnel au-delà du délai légal de 5 ans fixé par la loi sur la monnaie et le crédit ?
J'ai un peu répondu à cette question ci-dessus. Avec déjà un niveau de planche à billets au-delà du seuil des 30% du PIB depuis le début des opérations, on nage en plein délire monétaire, très loin des premières discussions sur le sujet au printemps 2017. La Banque d'Algérie a bien géré les opérations en contrôlant le niveau des liquidités bancaires et l'inflation monétaire, et le Trésor espace opportunément l'injection de la masse monétaire créée.
Mais on ne va nulle part avec cet instrument primitif qui n'a pas vocation à régler des problèmes structurels.
J'avais espéré à la faveur de l'augmentation du prix du Brent en 2018 que le gouvernement allait réduire la voilure de la planche à billets, mais ce ne fut pas le cas. Il va falloir revenir à la sagesse, notamment réduire les dépenses graduellement (sans impacter les plus pauvres) et s'ouvrir à l'endettement extérieur auprès de partenaires de long terme.
Akli Rezouali

Bio express
Raouf Boucekkine est professeur à Aix-Marseille université depuis 2011, après l'avoir été à l'université Carlos III de Madrid, l'université catholique de Louvain et Glasgow university. Il a été directeur scientifique du Center of Operations Research and Econometrics de Louvain et d'Aix-Marseille School of Economics. Nommé membre senior de l'Institut universitaire de France en 2014, il est directeur de l'Institut d'études avancées, IMéRA, depuis 2015.


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